Congé du centre de réadaptation pour les Fêtes
12 décembre 2007
Bonjour tout le monde,
Aujourd'hui, jour « anniversaire » du 7e mois, j'ai enfin repris le chemin de la maison! Finie la vie de condo! Je m'en réjouis, car même si c'était bien pratique et que ça me permettait de me reposer durant la semaine, cette absence de la maison rendait mes week-ends pas mal surchargés.
Depuis mon dernier écrit, quelques petits événements sont venus colorer notre quotidien. Comme prévu, nous sommes allés à Sherbrooke où nous avons fait le tour des endroits « stratégiques » : le laboratoire de bioécologie du cégep, le 11e étage des résidences et le « supposé » appartement d'Élianne où elle a passé la nuit. Partout elle a rencontré des connaissances, profs, techniciens, étudiants, ex-colocs d'étage, amis, etc. Elle a eu ben du fun même si elle ne reconnaît à peu près personne sauf sa grande amie Roxou.
Ils étaient neuf à l'appartement, toute son ancienne bande, et j'avoue que cela m'a fendu le cœur de voir tout ce qu'elle manquait cette année... On aura aussi profité de cette visite pour amener Élianne dans une grande baignoire à remous à l'hôtel où Gilbert et moi avions réservé une chambre. Elle ne s'était pas trempée dans un bain depuis l'accident et elle a beaucoup apprécié. Depuis ce temps, Gilbert a trouvé un moyen pour la mettre dans le bain à la maison, donc on peut la laver comme du monde!!!
Le 3 décembre, il devait y avoir une séance au palais de justice et Sandra Diotte, LA conductrice, devait comparaître pour faire connaître au juge le déroulement de sa désintoxication, mais à cause de la tempête tout a été annulé. Dommage, j'étais présente et j'aurais eu juste besoin de voir c'est QUI. Sur place, j'ai rencontré l'enquêtrice qui s’occupe du dossier et le procureur de la Couronne et j'ai pas mal jasé avec eux, je leur ai remis des documents pour leur montrer qui était Élianne, ce qu'elle est devenue, les séquelles possibles, les implications pour nous tous, etc. Le procureur a demandé un rapport présentenciel et comme elle avait déjà plaidé coupable, elle recevra sa sentence le 14 mai 2008. J'aurai aussi l'occasion de parler au juge pour lui faire connaître mon avis. Depuis ce temps, j'ai reçu une copie du schéma de reconstitution de l'accident et ça me fait mal au cœur d'imaginer ma poupoune au point d'impact, très clairement identifiable sur le schéma; un gros Ford Explorer contre une petite Honda Civic! Élianne a absorbé toute l'énergie dégagée par l'impact.
Sinon, pour ce qui est de l'évolution d'Élianne, tout se déroule « lentement mais sûrement ». Les thérapeutes nous ont remis leur évaluation de mi-parcours (un parcours étant de trois mois) et Élianne était en bonne voie de réaliser la majorité des objectifs fixés pour janvier. Ce dont elle rêve le plus : la marchette! Ça s'en vient. Gilbert et moi aurons notre petit cours de physiothérapie vendredi, et Élianne pourra sortir pour les Fêtes avec sa marchette! Bien sûr, on est loin d'abandonner le fauteuil roulant!!! Serge, son coach de vélo, vient au centre une fois par semaine et il amène Élianne faire du vélo stationnaire. Serge a maintenant ses entrées au local de physiothérapie!
Élianne a rencontré son neurochirurgien, il était assez étonné de la voir, favorablement impressionné par son évolution. Il nous a dit de ne pas paniquer tout de suite avec le peu de mémoire d'Élianne, il dit qu'elle part de tellement loin qu'il faut se donner un bon 18 mois avant de voir si cette mémoire sera fonctionnelle ou non, et à son avis, habituellement quand les traumatisés commencent à marcher davantage, à être plus souvent debout, cela amène aussi une bonne évolution côté mémoire. D'ailleurs ces jours-ci, Élianne n'arrête pas de poser des questions sur des choses qui lui reviennent en tête, des noms, des événements de l'actualité, etc.
Je suppose que pour la majorité d'entre vous il y a autant de neige, ou presque, que chez nous. J'espère que vous en profitez et j'espère pouvoir le faire moi aussi à mon retour à la maison, et j’aurais peut-être le temps de prendre l'air à l'occasion. Nos sentiers de raquette ne sont pas encore tapés cette année.
Pour l'instant, la neige est aussi une source de problème : avez-vous déjà essayé de manœuvrer un fauteuil roulant dans la neige? Et lors de vos prochaines sorties, regardez autour de vous pour voir si vous pourriez accéder à l'endroit en fauteuil roulant? Nous découvrons les joies (!) de « l'handicapé »! Comme Gilbert est assez fort, on peut aller à plein d’endroits, car il prend carrément Élianne dans ses bras pour monter et descendre un escalier, je la réceptionne et il amène le fauteuil qui est trop pesant pour moi. Cela implique que toute sortie se fait à deux!
Élianne est allée se faire masser deux fois et elle adore cela. Comme elle dit, il faut le faire, ne pas parler pendant une heure, elle qui n'arrête pas normalement! Elle va aussi chez l'acupuncteur « l'homme qui cherche les points sensibles » comme elle dit.
Pour les Fêtes, Élianne aura deux périodes de cinq jours de congé du centre. Et après les Fêtes, on changera réellement le rythme de nos présences, nous serons présents avec elle seulement en soirée, elle doit apprendre à prendre plus d'initiatives et elle peut maintenant passer une à deux heures seule dans sa chambre. Aussi, elle ira davantage à Transacc, la maison de transition, elle y soupera un soir par semaine avec une éducatrice, elle va déjà y dîner une fois par semaine. Je trouverai juste du monde pour dîner avec elle à l'occasion afin qu'elle ne soit pas toujours seule pour son repas.
Nous avons bien avancé dans nos préparatifs pour les Fêtes, le week-end dernier. J'ai fait mon ragoût de pattes, Élianne et Nico ont confectionné mes 70 boulettes, et Élianne et Gilbert ont décoré le sapin. On a pas mal de choses de prévues autour de Noël, ce sera plus relax pour le jour de l'An. Mon frère Sylvain viendra de Rivière-du-Loup, Yves et sa famille sont rentrés d'Afrique lundi (nous sommes allés à l'aéroport avec Élianne), et Renaud et Cynthia arrivent de Rimouski cette semaine, nous fêterons aussi les 21 ans de mon grand garçon.
JE VOUS SOUHAITE À TOUS DE BIEN PROFITER DE CETTE PÉRIODE DES FÊTES POUR APPRÉCIER LA PRÉSENCE DE VOS PROCHES, DE TOUS CEUX QUE VOUS AIMEZ!!!
JOYEUSES FÊTES,
« Noëllement » vôtre!
Un beau temps des Fêtes
10 janvier 2008
Bonjour à tous et à toutes, chers fidèles lecteurs!
Une nouvelle année est arrivée, une nouvelle année qui, comme le dirait Élianne, peut difficilement être pire!
Quoique... j'avoue avoir dorénavant le sentiment que tout est possible, n'importe quoi peut arriver et venir bouleverser notre fragile équilibre. Je n'étais pas moumoune avant et cela m'écœure un peu de ressentir en permanence ce sentiment de « qu'est-ce qui va arriver d'autre? ». Sentiment tellement fort parfois que le jour de l'anniversaire de Renaud (23 décembre), comme il prévoyait aller le soir au spa Polar Bear sur la 117, je n'ai presque pas dormi. Je me disais que toutes les conditions étaient réunies pour un nouvel accident : vitesse élevée sur la 117, déficience d'éclairage, stationnement très dangereux et mal situé, etc. Pour moi, 1 + 1 égalait 2 cette nuit-là...
« La vie change vite. La vie change dans l’instant. On s’apprête à dormir [dîner] et la vie telle qu’on la connaît s’arrête. »
tiré de L'année de la pensée magique de Joan Didion
Tout cela pour vous dire que je me sens souvent comme si j’avais une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Malgré tout, ON CONTINUE!!!
Depuis mon dernier message, beaucoup de nouveau. Premièrement, Élianne a de plus en plus de mémoire à court terme. Elle n'a toujours pas retrouvé ses souvenirs anciens, cela n'arrivera peut-être jamais, mais sa mémoire fonctionnelle s'améliore (on ne peut pas dire encore qu'elle EST fonctionnelle, mais cela va dans le bon sens). Elle a même failli révéler à Cynthia le cadeau acheté pour elle par Renaud « me semble que tu aimes ça toi, les plantes, et que Renaud t'en a déjà acheté une ». En fait, il avait acheté un bonzaï!!! Le Dʳ Giroux, neurochirurgien, nous avait dit en décembre qu'on pouvait s'attendre à une amélioration de la mémoire et des fonctions cognitives avec le début de la marche et effectivement cela semble être le cas. Élianne apporte sa marchette maintenant à la maison et elle se débrouille pas mal bien. Elle ne peut pas le faire sans surveillance encore et au centre, à part au local de physiothérapie, elle utilise tout le temps le fauteuil roulant. Quand on est avec elle au centre, on peut aussi utiliser la marchette qui est gardée au poste infirmier. Cela facilite beaucoup ses déplacements à la maison, surtout pour aller à la salle de bain où le fauteuil roulant ne passe pas. En fait, la marchette ne passe pas non plus, mais Élianne est déjà capable de « tricoter » pas mal bien pour franchir l'étroit passage entre le petit mur et l'armoire, et se rendre à la toilette. Sur les conseils de Laurier-Pierre, son ostéopathe préféré, on la fait aussi marcher pieds nus à la maison, cela améliore les perceptions sensorielles. Avec Renaud, il la fait revenir de la salle de bain à reculons, comme un vrai grand frère, toujours à lui montrer des coups pendables, comme la fois quand elle avait trois ans et qu'il l'avait encouragée à monter jusqu'à 25 pieds dans un gros épinette!!!
On a passé un beau temps des Fêtes, beaucoup de partys autour de Noël, plus tranquille pour le Nouvel An. Avec ma famille, le 24, on avait réservé au Prema Shanti à Val-David. Petite auberge très jolie et chaleureuse tenue par Dannie et Karim. Nous y étions déjà allés l'an dernier et avions apprécié l'accueil et l'endroit, d'autant plus que Karim est à moitié Malien et que cela avait permis des échanges en bambara avec Charlotte. Cette année, Dannie et Karim nous ont fait toute une surprise, un acte de grande générosité : ils nous ont offert à Gilbert et à moi, pour Élianne, tous les revenus de la soirée, donc tous les dollars qu'a rapportés la vente des repas et de la boisson! Ils s'étaient fait aider par des amis à eux, bénévolement, pour assurer le service. Nous étions très touchés par ce geste qui nous permettra de continuer à offrir à Élianne les services de sa massothérapeute, de l'acupuncteur, etc.
Je dois ajouter qu'Élianne a même dansé avec son père le soir du 24, Dannie avait mis du Bob Marley!!!
J'ai été très reconnaissante d'avoir tout mon monde à la maison durant cette période des Fêtes (même si je ne fournissais pas à remplir le frigo). On a eu un beau souper avec les enfants et leur chum/blonde le 25, et je me rappelais encore que durant le mois d'août on se disait, Gilbert et moi, que c'était notre vœu le plus cher pour Noël...
« Merci de m'avoir sauvé la vie »
10 janvier 2008 (suite)
Cynthia m'a un peu obligé à une certaine introspection en me demandant d'écrire dans son cahier un bon moment de 2007. J'ai bien sûr pensé à notre voyage au Mali, à Élianne et à moi, c'était dans une autre vie, me semble-t-il, avant que le malheur frappe à notre porte, cela me semble déjà si loin. J'ai aussi pensé à la journée et la soirée du 16 mai, veille de l'anniversaire d'Élianne. J'avais passé l'après-midi avec ma sœur Francine au spa Le Bagni et nous avons soupé dans un bon resto de Saint-Sauveur. Ce soir-là, particulièrement, j'étais si contente et fière, mon bébé allait avoir 18 ans le lendemain. J'avais une grande satisfaction, un sentiment très fort du « devoir accompli », pas dans le sens de me débarrasser d'elle, non, juste la fierté d'avoir une fille si belle, si pleine de talents et de possibilités, si forte...
Le temps des Fêtes s'est terminé par de bons soupers, entre autres le quatre à Verdun avec Yves et sa famille avant son autre départ pour le Mali. On a mangé dans un resto de Verdun et cela nous aura permis d'expérimenter une nouvelle façon d'accéder avec Élianne à peu près n'importe où : on lui donne les mains et elle marche, tout simplement. Elle peut même monter et descendre quelques petits escaliers de cette façon. C'est très pratique pour de très courtes distances, évitant le problème de l'accès avec le fauteuil roulant. Yves est reparti avec quelques cartes à remettre à la « somogo » (famille, gens de la maison) et aussi avec quelques dollars permettant ainsi à Issa, notre ange gardien, de mettre un toit sur la maison qu'il construira pour sa famille à Bamako. Il est reparti aussi en faisant une promesse à Issa : je ramènerai la gazelle sur le plateau Dogon. Comme Élianne est devenue la légende et l'enfant chérie de Tabitongo, je la ramènerai là-bas, je veux le faire d'ici cinq ans!
Je suis vraiment, mais vraiment contente d'être revenue vivre à temps plein chez-moi. J'ai une longue liste de choses à faire, mais je veux aussi prendre le temps de prendre l'air, ce que j'ai commencé à faire. J'ai profité de la belle neige qu'on avait (je parle au passé bien sûr) pour faire de la raquette, j'ai perdu pas mal la forme et de souffle depuis l'an dernier, mais j'espère bien me reprendre.
Élianne a maintenant un nouveau rythme au centre, elle est seule le jour sauf pour quelques visiteurs que je lui trouve pour aller dîner avec elle et nous assumons les soirées Gilbert et moi à tour de rôle et en alternance avec Nico et d'autres amis. Elle acquiert une nouvelle indépendance et... sa chambre est moins bien rangée!!! Elle changera d'ailleurs de chambre la semaine prochaine, elle ira dans une chambre pour deux personnes (pour l'instant, elle y sera seule), elle sera dans le 479-2.
Durant les prochaines semaines, c'est le festival des rendez-vous médicaux. On a vu hier la Dre Choinière, chirurgienne thoracique, pour le suivi des abcès pulmonaires. Il ne reste que quelques cicatrices et elle la reverra dans trois mois pour faire des tests de capacités pulmonaires. Demain, médecine interne, pour le suivi du Coumadin, on devrait pouvoir se débarrasser de cela, la phlébite datant de plus de six mois. La semaine prochaine, scanner cérébral de contrôle, et le 23, l’Institut de cardiologie pour la malformation détectée lors du séjour aux soins intensifs. OUF!!!
Élianne était vraiment la VEDETTE hier à l’Hôpital du Sacré‑Cœur. On a visité les soins intensifs, les soins intermédiaires et le 5 ͤ D pour revoir ceux et celles qu'on aime, et tout le monde voulait la voir, on a même dû attendre les Drs Verdant et Bernard qui avaient averti le Dʳ Marsolais (on l'avait croisé avant dans le corridor) de les appeler quand elle serait au poste des soins. C'était beau à voir, ces trois grands messieurs tout émerveillés, eux qui ont passé les trois semaines les plus difficiles avec elle, se réjouir de la voir, la récompense de leurs efforts inhumains!!! Le Dʳ Marsolais était tout fier d'expliquer à sa petite gang de résidents, qui le suivent comme un chien de poche, quel CAS avait été Élianne et d'où elle revenait. Et les infirmières aussi, et les préposés, et les Italos, et les brancardiers, etc., tout le monde s'arrêtait, même dans les corridors! Elle a été bien gentille avec tout le monde, souriante, et leur a montré comment elle marche maintenant et comment elle réussit à lever son bras gauche de plus en plus haut. Elle leur a aussi dit « MERCI DE M'AVOIR SAUVÉ LA VIE ». On y retournera une autre fois pour le bec promis, et j'essaierai alors de savoir quelle était la promesse que se sont faite les Drs Verdant et Bernard si Élianne s'en tirait bien.
Je vous redonne des nouvelles d'ici quelques semaines, d'ici là on devrait avoir revu l'équipe de thérapeutes pour les objectifs des trois prochains mois. Élianne a un party de filles à la maison samedi, beaucoup de fun en perspective!!!
Jusqu'où ira-t-elle?
6 février 2008
Nous avons eu la réunion avec les thérapeutes pour fixer les objectifs pour les trois prochains mois. Elles trouvent Élianne pas mal bonne et motivée, ses progrès sont lents, mais constants et l’on espère qu'elle continuera de progresser. La neuropsychologue m'a dit : « Je ne sais pas jusqu'où elle pourra récupérer, jusqu'où elle pourra aller, mais je suis certaine d'une chose, elle ira au maximum, elle a tout, elle est motivée, persévérante et elle a tout autour d'elle pour aller chercher tout ce qu'elle peut ». Élianne veut travailler son bras gauche, car comme elle ne peut pas encore contrôler sa main elle se trouve pas mal dépendante des autres pour des choses comme s'habiller et se coiffer, et cela la dérange beaucoup. Cela l'attriste aussi parfois, mais généralement elle a un assez bon moral. Pour l'instant, elle poursuit ses progrès avec la marchette, elle ne peut pas encore l'utiliser seule donc on essaie de la faire marcher quand on lui rend visite. Avec son fauteuil, elle est capable d'aller seule à la toilette au centre, mais doit encore le faire sous supervision. Elle a commencé à monter des escaliers avec de l'aide et elle pratique cela en physiothérapie. On fera installer une rampe à la maison afin de l'aider. Elle devra porter une orthèse au pied droit pour commencer et par la suite au pied gauche, et cela pendant un certain temps, non encore déterminé.
On a eu toute une série de rendez-vous médicaux en janvier, le dernier en date étant le suivi en cardiologie à l'Institut. Elle devra passer une échographie la semaine prochaine pour déterminer si oui ou non elle a effectivement une malformation. On espère que non, car cela signifie du Coumadin à vie et éventuellement une insuffisance cardiaque à moyen ou à long terme. Le jeune résident qui nous a reçus en cardiologie était bouche bée devant elle quand il l'a reconnu, il était présent à l’Hôpital du Sacré-Cœur durant les premières semaines d'Élianne aux soins intensifs et ne l'avait jamais revu depuis. En fait, il ne s'attendait pas à ce qu'elle soit tout simplement... vivante... et il lui posait plein de questions. Il nous a dit avoir été très marqué par elle, il se souvenait des photos sur son mur, il était présent lors de ses arrêts cardiaques et de toutes les complications, et cela l'avait bien impressionné.
Élianne a gardé son sens de l'humour, lors de son scan cérébral dernièrement, elle est sortie de là en demandant au technicien si elle avait encore un cerveau!!! Et elle a bien ri de son père quand il lui a dit (redit en fait), en passant devant le mont Gabriel, qu'il avait déjà skié là avec elle, et qu'elle lui a répondu qu'elle le savait puisqu'il lui avait dit la même chose la semaine précédente en passant devant! On ne peut même plus radoter!!!
Elle vient toujours passer les week-ends à la maison, c'est bien occupant, mais bien agréable aussi. Des amis nous ont prêté une luge finlandaise et nous l'avons utilisée pour l'amener voir les chevaux chez la voisine, elle était bien impressionnée par leur gabarit, et l’on est allés patiner au lac Masson. Le prochain week-end, Paule viendra m'aider, car Gilbert part en refuge en ski de fond.
Samedi dernier, il y a eu une grande fête au village de Tabitongo (pays Dogon, au Mali). Yves, mon frère, et Issa, notre ange gardien, ont apporté au village des photos d'Élianne DEBOUT, du riz, un mouton et des noix de kola pour le chef, afin de célébrer et de les remercier pour toutes les prières pour Élianne. Yves rentre pour de bon au Québec bientôt et il tenait à faire ce petit pèlerinage avant.
Parlant de pèlerinage, nous avons fait notre petite cérémonie-souvenir habituelle pour souligner les trois ans du décès de Claire, notre mère, le 31 janvier. Nous avons fait un bon souper dans un resto de Saint-Sauveur, mes deux sœurs et moi, et Julie, la femme de mon neveu Victor. Maman nous accompagnait, sa photo et ses cendres étaient bien disposées sur la table. Comme c'était un souper de filles, nous avons appelé Élianne pour lui dire qu'elle devra être présente avec nous l'an prochain! Toute la journée je me suis dit que c'était une vraie bénédiction que Claire soit partie avant tout cela...
J'ai reçu une assignation à comparaître au tribunal, Sandra Diotte, la conductrice, connaîtra sa sentence le 14 mai et le juge veut m'entendre avant. Je vais essayer de bien me préparer afin de bien faire comprendre au juge toutes les conséquences de cet accident, et surtout les implications à long terme.
Renaud viendra nous visiter prochainement, il s'est trouvé un emploi au Quiznos Sub de Rimouski, mais il a ses week-ends de congé et il manque pas mal à sa sœur.
En attendant, je vais essayer de suivre les recommandations de mon médecin, et comme écrire des messages de groupe n'en fait pas partie (!) je vais vous laisser pour aller m'occuper de ma vaisselle et des comptes à payer!!!
Je vous embrasse et vous remercie pour votre fidélité,
à bientôt, xxx Jocelyne
En janvier, ses amies de fille ont organisé une petite soirée à la maison, elles ont soupé, jasé et joué à Cranium, ça semblait assez drôle, car je les entendais rire et crier. Élianne aime beaucoup se retrouver avec ses amies et ça lui manque de ne pas pouvoir les voir davantage. Elle s'ennuie aussi de Sherbrooke et l’on va y retourner en février afin qu'elle voie son monde de là-bas. Moi, je suis toujours aussi bouleversée quand je suis confrontée à la vie « normale » des autres jeunes, comme lundi soir dernier aux résidences de Bois-de-Boulogne où l’on était allé chercher Vivi pour aller magasiner.
La mémoire est longue à revenir
6 février 2008 (suite)
Eh oui, c'est aujourd'hui l'anniversaire de Nico et les jeunes ont fait une petite fête ici samedi soir. Ce soir, Élianne amène Nico manger au resto, un beau gros steak comme il aime! Tout cela donne peut-être l'impression que tout est normal, dans le meilleur des mondes, mais ce n'est pas tout à fait cela... Élianne poursuit ses progrès, mais la mémoire est longue à revenir! Je dois me parler pas mal pour ne pas trop m'inquiéter ou m'impatienter à ce sujet. Pour l'instant, elle arrive à se rappeler, parfois avec des indices, de qui elle a vu la veille ou de ce qu'elle a fait. Et elle reconnaît encore difficilement les gens, sauf ceux qu'elle voit dans son quotidien, ce qui est déjà quelque chose de bon en soi.
Moi, j'essaie de reprendre une certaine routine à la maison, c'est d'ailleurs la prescription de ma médecin qui a prolongé mon congé jusqu'à la fin mars. C'est un fait que j'ai un peu de difficulté à assumer même le petit quotidien, et parfois je me sens bien fatiguée, on se demande pourquoi!!! Aussi, je crois que cela m'a tellement manqué d'être à la maison que quand je peux, je ne sors pas du tout (sauf pour aller faire de la raquette) pendant plusieurs jours, même pas pour aller au village. Gilbert et moi avons tous deux la vague impression que l'on devrait reprendre une vie « normale », comme si tout nous faisait des pressions en ce sens, mais nous savons pertinemment que jamais notre vie ne sera comme avant...
Parlant de routine, beaucoup de changements dans celle d'Élianne au centre. Premièrement, elle a changé de chambre, elle a quitté le « solarium » pour une chambre régulière munie de deux lits, et depuis une semaine elle partage cette chambre avec un jeune de 17 ans. De plus, le jour, on ne va généralement plus au centre, elle fait ses thérapies et s'occupe en écoutant de la musique surtout, car c'est, pour l'instant, sa seule activité de « loisir ». Presque chaque midi, quelqu'un (famille ou amis) va dîner avec elle et lui tient compagnie, et lui donne de l'eau et l'aide à s'organiser, etc. Serge, son coach, y va régulièrement et l'amène jouer au hockey sur table ou faire du vélo stationnaire. Pour les soirées, on se relaie pour la visiter et l'accompagner dans sa petite routine du soir. Aussi, elle va souvent souper à Transacc, il y a maintenant des éducateurs le soir et ils viennent la chercher régulièrement, j'ai même dû leur demander de faire attention à ce qu'elle mange là-bas, car ce n'est pas trop santé et ils sont très (trop) généreux dans les portions, surtout pour le dessert, et Élianne commence à prendre trop de poids! À Transacc, elle a même organisé, avec l'aide des éducatrices, un souper pour son ami Guillaume qui a aussi subi un traumatisme crânien, il est sorti du centre en novembre. Elle a eu ben du fun, elle lui parle aussi régulièrement au téléphone.
Adaptation du domicile
6 mars 2008
Bon lendemain de tempête!!!
Décidément, cet hiver ne nous aura pas laissé de répit côté neige, Gilbert est bien décidé, l'hiver prochain il s'achète une souffleuse dès le début de l'hiver!!!! C'est ben beau tout ça, mais je commence à être tannée.
D'ailleurs, dans peu de temps, on va laisser tout cela derrière nous pour nous envoler vers des cieux plus cléments. Vacances bien méritées, vous en conviendrez. En effet, on part pour deux semaines avec Élianne et Nico. Renaud et Cynthia viendront nous rejoindre pour une semaine. On sera à Varadero et il sera bon de changer de rythme, et de ne plus voir la couleur des murs de l'hôpital ni les portes automatiques s'ouvrir devant moi. Et juste d'avoir du temps tous ensemble et, bien sûr, de profiter de la mer, de la plage et du soleil. Ne vous en faites pas, j'ai apporté de la crème solaire avec un FPS élevé pour protéger les cicatrices d'Élianne, selon les bons conseils de mon amie Martine, la mère de Marie-Christine. La mince couche de peau qui recouvre le site de la trachéotomie est en effet bien fragile. En plus, on part l'esprit bien tranquille quant à la maison, le chien et le chat. Un ami sera là, la première semaine, pour construire les rampes d'escalier et d'autres amis, la deuxième semaine, pour le ski. Ils ne manqueront certainement pas de neige.
On est rendu à la phase « adaptation du domicile » et la SAAQ a approuvé les recommandations de Brigitte, l'ergothérapeute du centre. On commence par construire une rampe du sous-sol au deuxième étage et par installer des barres dans la salle de bain. Pour le reste, on verra. En tout cas, au grand désespoir de Brigitte, je ne ferai pas enlever MON petit mur de la salle de bain, il a pris avec le temps une valeur symbolique : celui du refus de baisser les bras dès maintenant et de tout adapter comme si Élianne serait à jamais invalide.
Depuis mon dernier message, beaucoup d'évolution pour Élianne. Elle fait encore et toujours de grands progrès. Les thérapeutes sont encore et toujours émerveillées par sa grande détermination, sa force et sa motivation. Je crois qu'elles n'ont pas vu cela souvent... L'autre jour, conversation très intéressante avec la conseillère en réadaptation de la SAAQ, celle qui s'occupe de son dossier à Saint-Jérôme. Elle m'a dit avoir rencontré Élianne en janvier au centre et être très encouragée par ses progrès. Elle m'a dit que j'avais une fille exceptionnelle et que nous étions aussi des parents exceptionnels, ça fait du bien!!! Comme cette dame n'est pas de la première jeunesse, elle en a vu des traumatisés crâniens dans sa carrière, a eu à dealer avec bien des familles, et elle m'a assuré d'une chose : Élianne sera autonome. Elle ne sait pas si elle pourra un jour reprendre des études et/ou travailler, mais elle est au moins certaine de cela.
Je dois dire que depuis quelques semaines, je me sens moins inquiète... un peu... Élianne prend de l'assurance pour s'occuper d'elle et faire ses petites activités quotidiennes. Les thérapeutes ont beaucoup travaillé son orientation au centre et maintenant elle va elle-même au frigo se chercher ses laits de soya, et elle a même commencé à se rendre seule à sa physiothérapie. Cela peut paraître banal, mais pour elle c'est très gros d'avoir à y penser par elle-même que c'est l'heure et de s'y rendre. Le but est d'en arriver à ce qu'elle puisse le faire pour toutes ses thérapies.
Comme toute bonne jeune fille qui prend de l'autonomie, elle commence à trouver sa mère fatigante! Comme j'y vais moins souvent, je l'appelle, trop à son goût, mais je lui ai dit que c'était ma job de mère d'être fatigante au point qu'elle veuille me quitter au plus vite!!! On a changé pas mal de rythme en ce qui concerne nos présences auprès d'elle. Elle continue de venir à la maison tous les week-ends et durant la semaine on alterne chaque soir, Gilbert, Nico, Claudine et Michel, Yves et/ou Charlotte et moi. En plus, Élianne va de plus en plus souvent, même le jour, à Tansacc, la maison de transition. Elle y soupe presque tous les soirs et aide à la préparation des repas, plie du linge, joue à des jeux, jase avec les éducateurs.
Au niveau santé : le test d'échographie cardiaque n'a pas montré de malformations (vous vous souvenez peut-être du fameux ventricule gauche non compacté). Il semblerait que ce diagnostic était faussé par les circonstances, et le Dr Basmadjan de l'Insitut de Cardiologie de Montréal a suggéré de faire seulement un contrôle dans trois ans. Donc, Élianne pourra cesser le Coumadin dès avril. Et sinon, sa santé est bonne, elle a eu jusqu’à maintenant seulement un petit rhume cet hiver.
Au niveau physique : elle marche de mieux en mieux avec sa marchette. Elle ne peut pas encore l'utiliser seule au centre, ce qui la limite dans ses déplacements, elle doit alors utiliser son fauteuil. À la maison, elle se déplace seule en marchette et va seule à la salle de bain pour se laver les mains ou les dents. Elle a encore besoin d'être accompagnée pour la toilette, même si on ne fait rien, c'est par mesure de sécurité. Cela sera encore mieux quand les barres seront installées. Elle a commencé à monter et à descendre les escaliers, avec de l'aide bien sûr, car c'est loin d'être au point. Elle a aussi commencé l'apprentissage de la marche avec une canne, d'ailleurs on l'apportera en voyage. Son bras gauche demeure peu fonctionnel, mais il bouge de mieux en mieux au niveau de l'épaule, reste à obtenir le contrôle du coude, du poignet et des doigts. Cela chagrine pas mal Élianne qu'il soit si « poche » puisque cela la limite pas mal dans son autonomie. Elle a beaucoup travaillé en ergothérapie pour réussir à s'habiller et à se déshabiller seule, du moins le haut du corps, et elle s'est grandement améliorée. Elle a besoin d'être accompagnée pour la douche au centre ou le bain à la maison, mais sinon elle peut maintenant se laver seule. On a fait un essai dans la piscine dernièrement et elle a nagé un peu, elle pourra pratiquer cela à Cuba! C'était assez bien pour un premier essai, elle mettait sa tête dans l'eau et nageait. J'étais étonnée par sa capacité à retenir son souffle, il faut dire qu'avant l'accident Élianne pouvait rester très longtemps sous l'eau. Là aussi le bras gauche limite pas mal sa compétence pour nager, mais on a trouvé une sorte de ceinture qui l'aidera à flotter. Au centre, Louise, la physiothérapeute, l'a inscrite aux activités du défi sportif, elle y fait, un jeudi sur deux, des activités telles que le tai-chi, le soccer, le badminton et le volley-ball avec d'autres personnes en fauteuil roulant. Et elle continue de pratiquer, de temps à autre, son vélo avec Serge. Elle n'a toujours pas beaucoup d'équilibre, mais cela s'améliore aussi, Louise la fait marcher sur un tapis mou pour imiter le sable! Elle a maintenant une orthèse au pied droit et les chaussures qui vont avec, finalement, ce n’est pas si pire, elle a eu des chaussures de sport, et non des horreurs noires!
Élianne prend conscience de ses pertes
6 mars 2008 (suite)
Au niveau cognitif : elle est de plus en plus orientée au centre et très bien orientée à la maison. Elle a beaucoup plus d'initiative et va elle-même se chercher ses affaires. Elle veut aussi beaucoup aider à la maison pour la popote ou autre, elle n'aime pas tellement se sentir inutile. Elle reconnaît de mieux en mieux les gens qu'elle voit régulièrement et sa mémoire s'améliore… un peu… tranquillement. Elle peut maintenant se rappeler qui elle a vu la veille, qui a appelé, etc. même si elle n'est pas toujours certaine. C'est toujours difficile pour elle de distinguer certaines choses : animaux, fruits, etc., mais elle continue de travailler cela.
Ce qui lui manque le plus, je crois, c'est d'avoir une vie de fille de son âge, de voir ses amies. On est retourné à Sherbrooke dernièrement et elle a vu sa gang et tout particulièrement Roxanne, sa grande amie. C'était toute une première pour nous, elle a passé la soirée et la nuit chez Roxanne sans que nous ou Nico ne soyons présents, et c'était ses amies qui devaient s'occuper d'elle, l'aider pour la toilette et se mettre en pyjama. Tout a bien été et Gilbert et moi en avons profité pour aller prendre un bon souper. Aussi, l'autre soir, ses amies qui sont à Lionel Groulx sont venues souper avec elle et passer la soirée au centre, elle apprécie beaucoup ces occasions qui sont encore trop rares à son goût. Nous sommes aussi allées souper au resto avec Marie-Christine et ses parents, chose que nous nous sommes promis de répéter bientôt, car c'était bien agréable.
Pour nous, c'est assurément très exigeant quand Élianne est à la maison, car il doit encore y avoir toujours quelqu'un avec elle, ce qui nous limite pas mal pour ce qui est de nos activités. Comme Gilbert reprendra bientôt son rythme d'été, j'appréhende un peu tout ce que cela exigera de moi en termes de présence, peut-être que je chercherai des amis pour assurer, ici et là, pendant une petite heure, avis aux intéressé(e)s!!!
J'ai reçu un subpoena pour comparaître le 14 mai devant le juge. J'aurai alors l'occasion de lui exprimer tout ce que cette aventure a représenté et continue de représenter pour nous et pour Élianne. Comme Élianne tient à être présente, elle veut voir QUI est la madame, j'ai convenu avec le procureur que je lui ferai parvenir un document écrit qui indique quelles sont les séquelles présentes et possibles pour Élianne, car il est hors de question qu'elle se fasse « garrocher » cela tout d'un coup. Elle prend tranquillement conscience de ses pertes, et c'est bien qu'elle le fasse à son rythme à elle, et non de recevoir le paquet tout d'un coup. Il est cependant bien important, avant le prononcé de la sentence que le juge soit bien conscient des séquelles possibles à long terme, et sur lesquelles personne ne peut encore se prononcer. J'appréhende beaucoup ce moment, d'autant plus qu'il est fort probable que le juge nous entende et qu'il remette le prononcé de la sentence à une date ultérieure. Cela fera déjà un an à ce moment-là!
En prévision de me préparer pour parler au juge, j'ai fait venir les dossiers d'admission d'Élianne à Saint-Jérôme de l’Hôpital du Sacré-Cœur, et laissez-moi vous dire que sa survie tient vraiment du miracle. Le mot « décérébration » écrit partout, c'est assez frappant… Le rapport des ambulanciers est assez dérangeant… et je ne peux qu'imaginer toute cette horreur.
En faisant du ménage dans les affaires d'Élianne, j'ai trouvé les derniers relevés des achats qu'elle a faits avec sa carte de débit, juste la veille de l'accident, juste avant que sa vie ne soit changée à jamais, c'est plutôt bouleversant de revoir les vêtements qu'elle a portés dans une autre vie… Aussi, Gilbert et moi avons regardé dernièrement nos photos de la Californie, c'était à Pâques, l'an dernier, aussi dans notre ancienne vie… à l'époque où l'on pouvait laisser notre fille seule pour quelques jours, où on l'appelait et qu'elle sacrait parce qu'elle et Nico ont pelleté sans arrêt pendant que nous étions bien au chaud sur la côte californienne! Plus j'y pense, plus je pense que ce qui me manque le plus de l'ancienne Élianne est son… mauvais caractère!!! C'est un peu fou, mais c'est de même!
À part ça, mon frère Yves est revenu définitivement du Mali, Issa, notre ange gardien, a commencé à bâtir le toit de sa maison avec l’argent que je lui ai donné, et il m'a écrit une belle lettre et m'a envoyé un beau tissu pour me remercier.
Je continue à penser à vous tous, et j'espère bien vous voir le 1er juin et que nous serons nombreux, les détails de la fête suivront en avril. On pourra sans doute fêter la sortie d'Élianne du centre, je crois que cela se fera autour de mai ou de juin.
En attendant, la vie continue, Martine nous a surnommées elle et moi « petit trot » et « grand galop », et contrairement à ce que certains d'entre vous seraient portés à croire : grand galop, c'est elle!
Je vous redonne des nouvelles en avril, finalement, le temps passe très très vite maintenant, et c'est aussi ce qu'Élianne pense.
xxx Jocelyne
Vacances bien méritées
12 mars 2008
BUENAS TARDES A TODOS,
C’est le paradis après l’enfer.
Eh oui, nous étions dans le fameux vol de CanJet pour Varadero (Il paraît qu’ils ont parlé de nous aux nouvelles de TV5.), le départ d’abord fixé à 6 h 45 samedi a été retardé à plusieurs reprises en raison d’une pièce manquante en route de Toronto, et finalement, de délai en délai, le temps que la pièce arrive et que tout soit réparé, la deuxième tempête est arrivée et nous a cloués au sol. Nous avons su seulement à 22 h que le vol était remis au dimanche matin 5 h 50. Comme nous voulions absolument allonger Élianne (Elle a été d’ailleurs la plus patiente de la gang.), nous avions réservé un motel tôt en soirée au cas où... Finalement, le pire ne fut pas la longue attente à l’aéroport, mais bien la peur le lendemain de manquer notre avion. C’était assez épique!!! Élianne se sert de cette image maintenant quand elle est triste (cela remplace les caleçons boxeurs de Richard). La navette pour l’aéroport n’arrivant pas, j’ai été reconduit par un gentil couple de Saint-Bruno et j’ai fait une folle de moi à l’aéroport quand j’ai réalisé que personne ne pouvait rejoindre quelqu’un de CanJet, il était 5 h 50, l’heure de notre vol, et que tous les autres passagers de notre vol avaient passé la nuit à l’aéroport, il se pouvait que notre avion décolle SANS NOUS!!! La navette étant finalement arrivée pour amener Gilbert, Nico et Élianne, on s’est rejoint et j’ai COURU jusqu’à la zone de sécurité. C’est l’image qui fait tellement rire Élianne et Nico. De l’autre côté, heureusement, j’ai retrouvé des visages connus, nos compagnons d’infortune. On a fini par embarquer vers 9 h, pour se mettre en piste et.... retourner à l’aéroport pour un autre bris??? Heureusement vite réglé celui-là, et on a décollé exactement à 11 h 20.
Inutile de vous dire que j’étais au lit à 20 h 30 dimanche soir et que malgré la grosse disco, j’ai dormi comme une bûche après trois nuits de deux heures de sommeil.
Il fait beau, il fait chaud, on prend notre rythme, on a trouvé la place idéale pour nous, je réserve nos palapas[1] préférées tous les matins, on déjeune et dîne « on the beach », on dort, tout va bien. Élianne est parfois un peu triste, elle réalise parfois qu’il y a des choses qu’elle aimerait faire, mais ne le peut pas, elle a écrit une page sur sa colère envers la conductrice. Elle se baigne dans la piscine et dans la mer, elle est quand même pas mal bonne et aujourd’hui, Gilbert l’amènera en pédalo. Sûr qu’elle aurait préféré le kayak avec Nico, mais... c’est de même.
Renaud : on vous attend avec impatience samedi, on a déjà réservé le restaurant italien pour ce soir-là. Et Élianne a aussi bien hâte de vous voir, toi et Cynthia.
Alors hasta la proxima vez!!!
Gros becs tout le monde et donnez-moi des nouvelles.
xoxoxo Jo
LUNES, 17 de Marzo
SALUT, SALUT,
Ça y est, maman oiseau a fait son nid ce matin, comme tous les autres matins. Le nid étant deux palapas pour la journée, coin d’ombre où se réfugier des chauds rayons du soleil. Il y a ici en masse de chaises pour tous, mais pour l’ombre il faut réserver tôt en mettant nos serviettes sur les chaises. Première levée, je le fais pour toute la gang, on est maintenant six depuis l’arrivée de Renaud et Cynthia.
Routine de vacances : 6 h 30 : réservation de chaises, ensuite douche, etc. puis 8 h ON THE BEACH. J’y reste jusqu’à 16 h-17 h et nous prenons généralement le déjeuner et le dîner au Mirador, super resto de la plage que nous préférons à celui style cafeteria du buffet de l’hôtel. Nos palapas sont juste à côté du Mirador, donc bouffe et boisson et toilettes à volonté!!! En fin de journée : piscine, relaxation avant le souper et spectacle de fin de soirée, je vous en reparle une autre fois, mais on vit littéralement AU-DESSUS de la scène. Cela ne m’empêche pas du tout de dormir, je tombe littéralement le soir!!! Même que l’autre soir lorsque j’ai dit VAMOS, Élianne a répliqué, oui, VAMOS A LA PLAYA DEL... DODO!!!
Ma carte Internet achève, donc je vous dis à une autre fois si l’occasion se présente, mais juste vous dire qu’Élianne fait de très très grands progrès. Elle nage avec et sans flotteur, pas pire à part ça malgré le bras gauche incompétent, elle retient son souffle dans l’eau assez longtemps (très longtemps en fait quand on pense à l’état de ses poumons, jadis, naguère...), elle fait de longues distances avec sa marchette, monte les escaliers seule (on se tient derrière elle au cas où), avance pas pire dans le sable, même que Renaud l’a fait marcher un bout toute seule jusqu’à la mer hier (vive les grands frères).
Petit incident en pédalo : elle s’est coincé le pied et Gilbert craignait que la cheville soit cassée, mais tout est beau. Elle a beaucoup apprécié son tour de bateau (JEEP AND BOAT SAFARI), heureusement qu’on a des gars forts pour la faire accéder à certaines places.
Demain, Renaud et Cynthia vont à La Havane, Gilbert et moi y serons mercredi. Nico suit son cours de plongée jeudi.
MARIA : si tu viens nous voir vendredi, on est toujours à gauche du resto de la beach (à gauche quand tu regardes la mer).
Je vous laisse, mon temps défile et se termine, ADIOS!!!
xxx Jo
[1] Palapa : Grand parasol fixe qui a du chaume
ou des feuilles de palmiers au lieu d’une toile.
(Source : Wiktionary)
Les voyages, une excellente thérapie
11 avril 2008
BONJOUR TOUT LE MONDE,
Il semble que le printemps se laisse désirer, quelques brins de soleil ici et là et voilà que la schnoute sera encore au rendez-vous ce soir. Chez nous, on sera enterrés jusqu'en juin, je crois bien. Heureusement, Gilbert a pelleté toute la galerie, je peux donc entretenir mon bronzage et étendre mon linge dehors!
Parlant de bronzage, on a fait un super beau voyage… qui a fait ben du bien à mon cœur de mère. Après un départ épique, 30 heures de retard et non pas à cause de la tempête, mais bien de l'incurie de CanJet, nous sommes finalement partis et immédiatement après le décollage, je me sentais en vacances.
La première journée, Élianne était un peu « perdue », on voyait bien qu'elle avait ben de la misère à interpréter son environnement, mais dès le deuxième jour tout était correct, même si elle n'a jamais réussi à s'orienter assez pour aller seule de la chambre à la plage. On avait trouvé un petit coin à notre goût sur la plage, avec palapas et tout, un peu plus loin de la partie « animée » et donc plus tranquille. Élianne a marché dans le sable avec de l'aide, et même des petits bouts sans aide, elle a nagé, avec l'aide d'une petite ceinture flottante, elle a fait de l'apnée, elle a monté et descendu des escaliers, fait de la marchette, pratiqué la canne, bref elle a bougé en masse. Elle était tellement fatiguée, elle a repris son beat normal pour elle (qu'elle n'avait pas repris depuis l'accident), c'est-à-dire se lever à 10 h – 11 h!!!
On en a profité pour faire une excursion « jeep safari » et Élianne a particulièrement apprécié cette journée-là, le tour en petit bateau sur une rivière, même si ce fut quelque peu « périlleux » de la faire monter « dans » le bateau! Gilbert et moi avons passé une belle journée aussi à découvrir La Havane, c'est vraiment une belle vieille ville coloniale, pendant que Nico, Renaud et Cynthia s'occupaient d'Éli. Élianne s'est fait chum avec les gars de l'orchestre du bar, ils la trouvaient pas mal à leur goût et lui ont même consacré une chanson intitulée Élianne!!!
Il a fait beau et chaud tout le long, on a vraiment profité de ces moments, bienvenus après tout ce qu'on a vécu ces derniers mois. Élianne dit qu'elle a fait tellement de progrès là-bas (et c'est vrai) que la SAAQ devrait lui payer des voyages puisque c'est aussi bon que ses thérapies au centre!!! Elle a toujours son bon sens de l'humour. Ce voyage a beaucoup influencé son moral, elle dit être encore plus consciente de sa chance d'être en vie, elle dit qu'elle est comme le Christ, « ressuscitée »!!! Et son nouveau slogan est celui du Che « HASTA LA VICTORIA SIEMPRE », je lui ai dit que finalement ça voulait dire : JUSQU'AU BOUTTE!!!
Depuis notre retour, on a repris notre petite routine, Élianne passe ses semaines au centre et ses week-ends avec nous. Elle passe même maintenant une soirée par semaine sans visiteurs afin de gagner encore en autonomie, ce qu'elle fait très bien. À son retour là-bas, elle s'est réorientée très vite, reconnaissait son monde et s'est très vite retrouvée dans sa routine. Le voyage, et probablement le fait d'être ballottée par la mer, a amené son cerveau dans une nouvelle étape de son développement, elle est redevenue capable de se tourner du dos au ventre. Cela peut sembler banal, mais c'est une grosse étape. Elle peut aussi se mettre à quatre pattes quand elle est sur le ventre, et toutes ces positions aideront son cerveau à se reprogrammer.
On a fait les suivis demandés à l’hôpital du Sacré-Cœur. En pneumologie, Dʳ Choinière était bien contente : quelques traces à peine visibles de cicatrices et son poumon gauche a repris du volume. En ophtalmologie, les yeux sont corrects et son champ visuel s'est bien amélioré, et devrait continuer de le faire. Comme d'habitude, Élianne a fait sensation parmi le personnel. On a rencontré les D Bernard, Rico, Marsolais et Bellemare et ils étaient tous ébahis par elle. Le Dʳ Bernard en avait les larmes aux yeux quand elle leur a dit combien elle était contente d'être en vie. Il faut dire qu'on avait volontairement abandonné le fauteuil roulant ce jour-là et qu'elle marchait juste avec sa marchette, ce qui les a pas mal impressionnés. On a convenu qu'on irait un bon jeudi, jour de réunion où ils sont tous présents. Le Dʳ Bellemare l'a même remercié, il lui a dit que cela lui faisait du bien de la voir, qu'il avait un cas difficile ce jour-là, avec oscillateur comme elle avait eu, et que de la voir l'aidait à se rappeler pourquoi il travaille!!!
Côté mémoire, elle en regagne tranquillement même si cela reste, à mon sens, le plus gros problème. Elle est de plus en plus consciente qu'elle a un gros manque à ce niveau, elle utilise maintenant régulièrement son agenda pour écrire ce qu'elle fait. Cela la dérange beaucoup de ne plus se rappeler ce qu'elle a dit ou ce qu'on lui a dit, tellement qu'elle commence à moins chercher les contacts avec les autres patients au centre, car elle est plus consciente de ses lacunes.
Dernièrement, elle a aidé Serge pour les inscriptions du club de vélo et comme j'étais présente avec elle, cela nous a donné l'occasion de rencontrer plein de monde. Entre autres, un père qui inscrivait ses petits s'est présenté à nous, il est médecin et était à l'urgence lors de l'admission d'Élianne à Saint-Jérôme. Ça m'a fait tout un choc de rencontrer quelqu'un qui l'avait vu dans ces premiers moments d'horreur!!!
Ces jours-ci d'ailleurs, je suis pas mal dans le « souvenir » puisque je commence à penser à ce que je vais dire au juge lors de la comparution du 14 mai. Je revis tous ces moments et même si ce n'est pas drôle, c'est une étape à franchir et on sera bien contents quand tout cela sera derrière nous. J'appréhende bien sûr pas mal cette journée qui sera riche en émotions de toutes sortes.
Prochaine réunion avec les thérapeutes pour le plan d'intervention le 1 ͤ ʳ mai, on aura alors une idée de quand Élianne sortira de l’Hôpital général juif pour continuer sa réadaptation en externe au Bouclier.
Pour l'instant, ce qu'elle désire le plus c'est... sortir! On la retrouve bien là, toujours sur une patte et sur l'autre. Avec Nico et des amies, elle est retournée au cinéma pour la première fois cette semaine, elle a pu me raconter un peu l'histoire du film le lendemain! Elle aime bien aussi aller au resto et ira voir en mai les spectacles de ses amies qui font du théâtre à Lionel-Groulx, et on retournera aussi à Sherbrooke.
Je vous redonnerai des nouvelles en mai, mais vous recevrez prochainement l'invitation officielle pour la fête du 1er juin, à mettre à vos agendas si ce n'est pas déjà fait!!!
À bientôt,
xxx Jocelyne
rs
C'était il y a un an
16 mai 2008
BONJOUR TOUT LE MONDE,
Ce matin je ne peux m'empêcher de comparer ce 16 mai à celui de l'an dernier. Je me rappelle avoir été parfaitement heureuse, fière, ma grande aurait 18 ans le lendemain! Le 16 mai 2007, j'ai passé une belle journée avec ma sœur Francine, j'avais pris congé, on est allée au spa Le Bagni tout l'après-midi et on a pris un bon souper au Lezvos à Saint-Sauveur. Les derniers moments d'insouciance...
D'ailleurs, ce week-end, nous avons eu un rappel d'un certain soir de la nuit du 19 au 20 mai : en pleine nuit, Ginny, notre chienne, a jappé... cette fois c'était juste pour nous dire qu'effectivement Élianne revenait de sa sortie, elle est allée avec Nico voir les pièces de ses amies en théâtre à Lionel Groulx, mais ce fut suffisant pour me réveiller en sursaut avec la boule d'angoisse au creux du plexus et me précipiter à la fenêtre pour voir que c'était bien la bonne voiture dans notre stationnement!
Beaucoup de chemin parcouru depuis ce temps, beaucoup de choses remises en question, et quelques cheveux gris en plus.
Bonne nouvelle, après un an passé entre quatre murs d'hôpital, Élianne a pris hier le chemin de Transacc, maison de transition de l’Hôpital général juif. Elle y vivra pour quatre à cinq semaines avant son retour à la maison. Elle était bien contente, bien fière de pouvoir parfaire son cheminement vers plus d'autonomie. Ces jours-ci, elle apprécie particulièrement de sortir DEHORS, elle le dit souvent à haute voix : « Ça fait du bien de respirer du bon air frais » et dès qu'elle le peut, elle va dehors. Par contre, cela l'écœure pas mal de devoir aller respirer de l'air au milieu des... fumeurs, l'espace extérieur des institutions de santé étant pratiquement monopolisé par ceux et celles qui cherchent une place pour en griller une! Elle recommence à chialer, c'est bon signe!!!
Pour ceux et celles qui se demandent comment s'est passée la comparution du 14 mai : cause remise au 27 juin!!! Il paraît que le juge avait trop d'affaires sur son rôle et malgré le fait que plusieurs personnes avaient pris congé pour être présentes et nous soutenir, que Renaud est venu spécialement de Rimouski, il a décidé de remettre cela. Heureusement on l'a appris la veille et on a pu s'organiser autrement. Comme Élianne avait congé pour la journée afin d' assister à la comparution, on en a profité pour aller chez ma sœur Chantale et faire du spa, et prendre du soleil. Donc, c'est partie remise, j'espère que ce sera la bonne fois ce coup-là, j'ai bien hâte que tout cela soit derrière nous et je sais aussi que cela sera une journée difficile émotivement.
Depuis mon dernier courriel de nouvelles, bien des choses ont changé. Entre autres, on a retrouvé notre salon et Élianne le chemin de sa chambre. Avec les nouvelles rampes, elle peut monter au 2 ͤ étage, avec encore quelqu'un à côté d'elle, mais c'est un grand progrès et cela amène plus d'intimité à tout le monde. Elle continue de progresser, tranquillement. Sa mémoire s'améliore aussi, quoique parfois de façon assez subtile, mais toujours un peu. Dernièrement, elle a même eu un flash de vrais souvenirs d'avant l'accident : quand elle était à Sherbrooke avec ses amis Roxanne et Alexandre, elle a reconnu la côte de la rue King et s'est rappelé l'avoir monté en vélo avec Alexandre et aussi un autre souvenir de Sherbrooke, ses amis étaient bien contents et c'était vraiment la première fois (la seule aussi à ce jour, à ma connaissance) qu'elle avait un vrai souvenir de son passé.
Nous avons eu la réunion avec l'équipe de thérapeutes. Elles ont commencé par demander à Élianne quels étaient ses objectifs pour les prochaines semaines et elle leur a très bien répondu, a expliqué quelles étaient ses priorités, etc. Les thérapeutes ont tenu à lui dire combien elle est admirable d'être aussi travaillante et persévérante, d'après elles, c'est plutôt rare après tant de temps.
Pour nous, on se prépare à l'accueillir à la maison. Je sais que cela sera très exigeant, car elle nécessite une présence continuelle, elle ne peut pas être laissée seule à la maison pour l'instant, et elle a encore besoin de beaucoup d'aide pour à peu près tout. D'ailleurs, si quelqu'un connaît une bonne personne, à Val-David ou tout près, qui serait disponible quelques heures par semaine, on va chercher une dame pour cela, le tout étant payé par la SAAQ. Et Élianne étant égale à elle-même, elle aime toujours autant sortir et voir du monde et j'ai un peu peur qu'elle trouve cela ben plate la vie avec papa et maman!!! Heureusement, Renaud est ici et ce sera bien pour elle.
Aujourd'hui, comme tous les vendredis, je vais la chercher et j'ai bien hâte de voir sa nouvelle chambre à Transacc. Elle a déménagé hier avec juste l'aide des éducateurs et maman ne s'en est pas mêlée (quel progrès)! Demain, elle fêtera son anniversaire en faisant un party de filles et lundi, 19 mai, on se fera un souper avec Nico et ses parents. On mangera peut-être un peu de poisson si la pêche de Nico et Gilles (son père) est fructueuse ce week-end!!!
Alors, malgré le temps moche qu'ils nous annoncent, je vous souhaite à tous un bon week-end, profitez-en bien pour faire des choses avec ceux et celles que vous aimez...
Je vous refais un petit signe avant le grand party et vous attends nombreux pour ce grand événement.
xxx Jocelyne
Beaucoup de chemin à faire
4 juin 2008
Surlendemain du lendemain de la veille...
BONJOUR TOUT LE MONDE,
Le soleil brille davantage aujourd'hui que dimanche, mais finalement il ne nous a pas trop manqué, car la chaleur de tous nos cœurs (et de nos corps aussi!!!) réunis a suffi à réchauffer la fête.
Une belle fête et du beau monde (plus ou moins 170 personnes), merci pour votre présence, merci aussi à tous ceux et celles qui étaient avec nous en pensée en cette belle journée.
Élianne était contente, elle a bien profité de la présence de tout le monde et particulièrement de ses amis.
La fatigue étant au rendez-vous pour elle en fin de journée, j'ai gardé les cadeaux et les cartes pour le week-end prochain, elle pourra les ouvrir à tête reposée.
MERCI ENCORE, je vous envoie deux belles photos parmi les centaines prises par Cynthia, la photographe officielle de l'événement, à bientôt,
xxx Jocelyne
Frères et soeur
Une petite danse avec papa
28 juin 2008
SALUT... GALARNEAU...!
Non, il n'est pas vraiment là (Galarneau) ce matin, en fait il nous boude pas mal ces temps-ci, mais tout d'un coup que de le saluer il se sentirait... appelé!
Bonjour tout le monde,
J'espère que tout le monde va bien. Pour nous la vie a changé passablement depuis une semaine, Élianne est sortie de l’Hôpital général juif le 19 juin, soit exactement 13 mois après l'accident.
C'était bon de se débarrasser du bracelet d'hôpital et de commencer à enlever les étiquettes à son nom sur ses affaires.
Côté santé, tout va bien, elle ne prend plus de Coumadin depuis déjà deux mois. Il ne reste, comme médicament, que le Remeron, un antidépresseur dont le médecin a réduit le dosage et qu'on prévoit arrêter dans quelques mois.
Élianne a fêté ses 19 ans en mai, elle a fait un party de filles et elle s'est bien amusée. Un peu différent de l'an dernier à pareille date.
D'ailleurs, quand il m'arrive de ne pas trop filer, d'être inquiète pour l'avenir ou de trouver difficile de constater tous les deuils et les pertes d'Élianne, je suis le conseil de mon amie Martine et je me reporte un an en arrière à la même date en relisant le courriel du jour. Cela m'aide à remettre les choses en perspective.
Je ne vous cacherai pas que j'ai encore (j'aurai probablement toujours) parfois de la difficulté à vivre avec cette idée que rien ne sera jamais plus pareil pour Élianne, qu'elle a encore beaucoup, beaucoup de chemin à faire dans sa réadaptation, que je n'ai pas de boule de cristal (JoJo Médium ce n'est pas moi) pour connaître l'avenir, pour savoir quelles seront les séquelles à long terme. Je suis encore plus inquiète depuis une semaine, car Nico a mis fin à leur relation. On s'y attendait depuis déjà quelques semaines, je le comprends, mais c'est difficile quand même. En fait, Élianne le prend assez bien, ils demeurent de bons amis, c'est plus difficile pour Gilbert et moi, car on mesure bien l’importance qu’il avait et à quel point ce sera difficile pour elle, du moins avant un bon bout de temps, d'avoir une nouvelle relation amoureuse avec quelqu'un qui a de l'allure. Élianne comprend bien que Nico ne reconnaît plus en elle celle qu'il a aimée et je crois que tant qu'elle pourra le voir comme ami cela la satisfera, elle dit que cela lui manque quand même de ne plus l'avoir pour chum. Je crois que ce qui l'aidera, c'est si elle peut voir plus souvent ses amies et d'autres jeunes, mais cela aussi n'est pas nécessairement facile, Élianne réalise bien qu'elle n'est plus la même fille et que ses relations avec les autres ont changé, sans compter l'aide dont elle a besoin lors de ses sorties, ce qui la limite un peu.
Depuis son retour à la maison, Élianne tente de reprendre une vie normale. Finalement, on n’a pas encore eu de temps pour plein de choses que je désire faire avec elle, comme répondre à ses courriels, envoyer des petits mots de remerciements pour les cadeaux reçus le 1 ͤ ʳ juin, etc. Juste de faire sa petite routine du matin : lever, pipi, douche, habillage, préparer son déjeuner et manger. Cela prend entre deux et trois heures si elle fait seule le maximum avec juste quelques indications verbales et un peu d'aide physique, surtout pour l'habillage qui est encore problématique.
En relisant les notes remises par la neuropsychologue de l’Hôpital général juif sur la prosopagnosie (difficulté à reconnaître les visages), j'ai réalisé qu'effectivement, Élianne avait tous les signes cliniques associés à une lésion au carrefour occipito-temporal droit : prosopagnosie, apraxie de l'habillage, diminution du champ visuel gauche, problèmes d'orientation spatiale, etc. En fait, elle commence à reconnaître quand même certaines personnes et cela aussi est fluctuant, comme la mémoire.
La mémoire à court terme est toujours problématique, en constante amélioration cependant, toujours non fonctionnelle. Cette semaine elle a même fait, spontanément, un suivi de la veille, et à ma connaissance c'était la première fois. Élianne est allée fêter la Saint-Jean à Ste-Agathe avec Nico et d'autres amies, et elle est rentrée après tandis que les autres continuaient le party à Saint-Jovite. Le lendemain soir, elle a d'elle-même demandé à Vivi si le party avait été le fun!
Les thérapies au Bouclier sont commencées et jusqu'ici je suis très satisfaite des thérapeutes que j'ai rencontrées, Élianne aussi. Elles sont toutes jeunes. Il faut dire qu'elles attendaient Élianne, qu'elles avaient bien hâte de la connaître, car ses thérapeutes de l’Hôpital général juif avaient dit qu'elles leur envoyaient une de leur meilleure patiente et qu'elles auraient bien du plaisir avec elle. En parlant de l’Hôpital général juif, lors de la dernière réunion, elles ont toutes répété à Élianne à quel point elle pouvait être fière d'elle, à quel point elle est courageuse et persévérante. Louise, la physiothérapeute, lui a dit que jamais en septembre elle n'aurait pensé pouvoir écrire un jour comme objectif : autonomie avec la canne dans trois mois. Elle lui a dit : je sais maintenant que tu vas y arriver!
Organiser une routine
28 juin 2008 (suite)
Maintenant, on essaie de s'organiser une certaine « routine ». Je sens que je n'aurai pas beaucoup de moments pour être seule et tranquille à la maison (ce qui me manquera), car j'ai engagé Valérie, une auxiliaire familiale, à raison de deux à trois fois par semaine, pour être présente avec Élianne dans sa routine et faire d'autres petites choses aussi avec elle (jeudi, elles ont fait un sorbet à la rhubarbe) et Marilyn, l'ergothérapeute du Bouclier, viendra souvent travailler ici avec elle, et Serge viendra aussi pour l'entraîner, il a installé le vélo sur une base. Je vais essayer de me trouver un petit trou dans la maison pour me cacher!!! Élianne s'entend déjà très bien avec Valérie.
Notre première sortie après le départ de l’Hôpital général juif a été d'aller assister, le soir même, à une compétition de vélo sur le circuit régional. Élianne ira maintenant régulièrement et elle « aidera » Diane et Anne, les commissaires, ou fera une autre petite tâche que Serge lui trouvera. Comme Élianne a manifesté le désir de voir courir Marie-Hélène Prémont, une championne olympique, nous irons assister au Championnat canadien du Mont-Saint-Anne en juillet. Cela la remettra un peu dans le bain « vélo ». Jeudi soir dernier, à la compétition, elle m'a dit « Je suis jalouse. » et aussi « Est-ce que tu crois que je pourrai refaire du vélo? » En fait, quand je vois tous ces jeunes en vélo, je réalise tout ce que cela demande à un cerveau pour arriver à tenir là-dessus et j'ai bien peur que cela demeure toujours difficile pour elle, elle a de très gros problèmes d'équilibre.
Je crois que l'été passera très vite finalement, Gilbert et moi devant normalement aller passer huit ou neuf jours à Cape Cod, ces premières vraies vacances devraient nous faire du bien et seront bienvenues. Et les journées seront bien occupées avec juste le train-train quotidien et les thérapies, et les multiples rendez-vous chez l’acupuncteur, l’ostéopathe, etc. En parlant de thérapies, j'ai assisté, avec ma sœur Francine, à une conférence sur la méthode Padovan, qui me semble bien intéressant et approprié pour Élianne, je vais explorer les choses de ce côté et vous en reparlerez, mais en gros c'est une méthode qui vise la réorganisation neuro-fonctionnelle et qui se fait en pratiquant toute une série d'exercices bien précis. C'est beaucoup utilisé au Québec pour l'autisme, les déficits d'attention, les dyslexies, mais cela s'applique, semble-t-il, très bien au traumatisme crânien.
Hier, grosse journée, c'était la comparution de Sandra Diotte. J'avais préparé mon témoignage au juge (cela avait brassé pas mal d'émotions de tout reviser le fil des événements), et j'ai fait brailler tout le monde, y compris le gardien de sécurité de la salle et la policière (mais pas moi, car je l'avais déjà fait en le préparant), Élianne aussi avait écrit une lettre au juge et la Procureure l'a lu. Finalement, on a passé toute la journée au tribunal. On a entendu aussi les témoignages de madame, de son conjoint et d'une amie. On a entendu les observations de la Procureure et de l'avocat de la défense au sujet de la peine. Finalement, le juge a pris la chose en délibéré et reviendra devant nous pour le prononcé de la sentence le 24 juillet. J'avoue ne pas savoir moi-même ce qui est le mieux, l'emprisonnement ferme ou un sursis. Il est vrai que la madame a fait neuf mois à Portage et je sais pertinemment que leur thérapie est très difficile et pas mal le top en la matière au Québec. Et c'est vrai que peut-être la société sera mieux protégée si madame peut poursuivre cette démarche et retourner à l'école, et réapprendre à travailler et demeurer sous la coupe de la justice, plutôt que de faire du temps et de sortir finalement assez vite, et de ne plus avoir de compte à rendre à personne. D'un autre côté, la Procureure a fait valoir que ce n'est pas la première fois que madame a des périodes de probation, que jusqu'ici, après ses thérapies elle a toujours rechuté, qu'elle vit encore avec le même conjoint violent, que ses chances de changer son mode de vie lui paraissent minces et que le juge doit envoyer un message clair que la conduite avec facultés affaiblies n'est plus acceptable dans notre société. Je sais que fondamentalement je crois que si VRAIMENT la madame profite de cet événement pour changer, cela servira à réparer un peu de ce qui a été fait, et surtout, à éviter que cela se reproduise. Finalement maintenant, quelle que soit la sentence, je m'en fous un peu, cela ne changera pas notre vie. Moi, ce que j'ai dit au juge c'est qu'Élianne était morte le 19 mai 2007, du moins la Élianne d'avant et que pour elle, c'est une sentence à vie qu'elle a reçue. En fait, mon impression est qu'il penchera pour le sursis et comme je le disais, cela ne me dérange pas du tout. Vous surveillerez L'Écho du Nord du 2 ou du 9 juillet, car les journalistes étaient présents.
Aujourd'hui, c'est jour de marché au village, je vais y aller tôt avec Élianne, ce sera un gros défi pour elle de nommer tous les fruits et légumes, on s'amusera sûrement avec cela. J'essaierai ensuite de me relaxer un peu durant le reste de la journée, car j'ai eu une bien grosse semaine.
Je vous souhaite à tous (donc à moi aussi par le fait même) un bel été, un peu plus de chaleur et de soleil, et surtout, d'avoir l'occasion de profiter de bons moments avec ceux et celles que vous aimez.
Je vous redonne des nouvelles, un jour...
xxx Jocelyne
L'entraîneur et son athlète
16 juillet 2008
Un tout petit message.
UN SOURIRE VAUT MILLE MOTS!!!
Je n'ai pu me retenir de vous faire partager ce sourire. Je vous reviens une autre fois avec plus de nouvelles, juste vous dire que l'adaptation au retour à la maison se poursuit, Élianne fait toujours de bons progrès, mais c'est une grosse adaptation pour nous tous et surtout pour elle. Retour à la réalité qui la confronte pas mal avec ses pertes, elle est beaucoup plus consciente de ce qu'elle manque, mais garde toujours une grande volonté à progresser. Elle recommence à se « pomper » à l'occasion... c’est bon signe!
Bon été,
xxx Jocelyne
Derniers développements
29 juillet 2008
Bonjour tout le monde,
Comme vous êtes fidèles au poste depuis déjà 14 mois, je tenais à vous faire connaître les derniers développements côté... justice.
Comme je vous l'ai déjà dit, nous avons comparu le 27 juin pour les observations sur la peine (je m'en viens pas mal bonne côté termes juridiques!). Tout le monde a dit ce qu'il avait à dire. Et jeudi dernier, c'était le prononcé de la sentence. Le juge Chevalier nous a lu son jugement (là c'est vraiment long et plein de termes très juridiques tels que... selon l'arrêt un tel....) et il a conclu qu'une peine de 48 mois de prison serait appropriée. Il a soustrait de cette peine 6 mois, pour les 3 mois de détention préventive qui compte en double (il est obligé de le faire), et 2 mois pour les 9 mois qu'elle a passés en désintoxication. Donc cela nous donne une peine de 40 mois plus interdiction de conduire pendant 8 ans suite à cette peine ce qui nous mène en 2020. Le juge a clairement indiqué qu'il s'écartait des fourchettes normales de peine pour ce genre de cause (moyenne de 9 à 24 mois) étant donné les facteurs aggravants et l'objectif de dissuasion générale et de dénonciation du « fléau que constituent les infractions reliées à la conduite automobile » selon l'arrêt Paré.
Il faut ajouter qu'il a sans doute été influencé dans son jugement par un rapport présentenciel complémentaire acheminé par le service de probation le 22 juillet et qui démontre que l'accusée a rechuté dans la consommation de drogue et n'a pas respecté le suivi postcure du centre Le Portage. J'étais vraiment resté sur l'impression qu'il s'en allait vers une peine avec sursis afin de permettre à la madame de poursuivre sa thérapie, il a probablement déchanté devant cette nouvelle rechute.
Pour ceux qui désirent lire le jugement, je crois que vous pouvez le faire sur le site du ministère de la Justice. Le numéro de la cause est 700-01-071405-073.
Donc, comme on dit chez les Chinois : it's over!
Élianne continue de progresser malgré que le rythme des thérapies est très ralenti en raison des vacances de ses thérapeutes. Juste d'être à la maison est en soi une thérapie pour elle et elle travaille fort.
Elle a passé une semaine à son goût, car ce qu'elle désire le plus ces temps-ci c'est sortir, voir du monde, ses amis surtout. Et c'est ce qu'elle a fait. Au Mont-Sainte-Anne, elle est allée dans un bar avec son frère, elle a rencontré d'autres jeunes et a même dansé avec Renaud, elle n'arrête pas de dire comment son frère danse bien!!! Et elle est allée souper avec des chums de filles et elle a veillé avec Renaud et ses amis, etc. Elle s'est couchée tard, sa mère aussi puisque je dois quand même l'aider un peu pour faire ses petites choses, en fait, surtout pour monter l'escalier. Alors je m'endors avec mon livre et j'attends qu'elle me réclame!
Depuis son retour à la maison, elle avait régressé côté habiletés physiques, sans doute à cause de la grande fatigue que toute cette adaptation lui causait, mais là elle se reprend. Elle s'amuse à marcher sans aide, ni
Juste avant la course - 19 juillet 2008
marchette ni canne, sur de courtes distances dans la maison, elle a beaucoup moins peur. Elle ne perd pas de vue son but qui est de refaire du vélo un jour...
Parlant de vélo, je ne peux passer sous silence la grande surprise qu'elle a eue au Mont-Sainte-Anne : avant le Championnat canadien de vélo, Élianne a pu, grâce à Serge, rencontrer la championne Marie-Hélène Prémont et jaser avec elle. Marie-Hélène a remporté l’or de justesse et le lendemain, elle nous a cherchés pour remettre cette médaille à Élianne. Elle lui a dit que de penser à elle l'avait aidée dans sa course, elle a inscrit sur le ruban « cette victoire est aussi la tienne » et elle lui a dit qu'elle penserait à elle à Pékin!!!!!!!!!!!!!! Élianne a déjà demandé à son amie Virginie d'écouter cette course avec elle, il paraît que c'est le 22 août. Alors, en tant que groupe très très pro en ce qui a trait à la force de vos pensées, je vous demande d’encourager Marie-Hélène Prémont vers une victoire olympique! J’ai joint les deux photos prises avec Marie-Hélène.
Remise de la médaille d'or - 20 juillet 2008
Hier soir, mon cœur de mère s'est (un peu) serré. On regardait un documentaire sur la faune marine. Élianne m'a dit en voyant les biologistes sur leur bateau, comment ce devait être le fun comme job!!! Et pourtant, elle ne se rappelait pas que c'est ce qu'elle voulait faire. Elle a encore en elle ce désir, je lui ai dit que cela demandait de longues études, et d'elle-même elle a dit : « on verra » consciente de plus en plus qu'il y a des choses qui lui seront désormais difficiles.
Là, j'en suis plutôt à m'organiser pour mes... vacances.... Est-ce vrai? Je rushe pas mal pour tout faire, mais on part, Gilbert et moi, pour neuf jours à Cape Cod. Élianne est organisée, plusieurs personnes se relaieront ici pour être avec elle : Nico, Yves et Charlotte, Julie, mais je dois leur laisser ma longue liste d'instructions et c'est long à préparer!!! En fait, je crois qu'ils n'auront pas le temps de tout lire avant que je revienne!!!!!!!!!!!!! Et pour moi au programme : plage et lecture, et pour Gilbert : cigares et hamac!
Alors je vous souhaite à tous une belle fin (je devrais plutôt dire commencement, étant donné la température) d'été et je vous reviens à l'automne avec d'autres nouvelles sur les progrès de ma merveilleuse et courageuse fille.
xxx Jocelyne
Élianne prend de l'assurance avec sa canne
26 octobre 2008
Après que toute la pluie soit tombée sur nous hier... BON MATIN QUAND MÊME TOUT LE MONDE!
Ici la revenante du fond de la Montée Gagnon. Je ne vous ai pas oublié, mais les choses évoluant tranquillement, les nouvelles se font plus rares. Et, comme j'ai de petits problèmes avec mon compte Hotmail depuis qu'ils ont « reconfiguré » le site Internet (mon ordi est trop vieux et trop poche pour prendre tous ces changements), je ne peux pas relire ce que je vous ai écrit en juillet, donc pardonnez-moi d'avance si je me répète.
L'été 2008 a passé finalement assez vite et malgré le temps plus ou moins poche, nous en avons profité aussi. Disons que j'étais mieux chez-moi, sur le bord de ma nouvelle piscine que sur les trottoirs du boulevard Gouin! Et parlant de piscine, Élianne y a quand même passé pas mal de temps à s'exercer à plonger. Elle y arrive bien à partir des marches, mais elle est absolument incapable de se maintenir au fond de l'eau et d'y nager, et ce n'est pas faute d'avoir essayé!!!
Gilbert et moi avons pu prendre neuf grandes journées de vacances à Cape Cod, Élianne était bien pendant ce temps-là avec tous ceux qui se sont relayés pour lui tenir compagnie. On était tellement déconcertés de n'avoir que nous-mêmes à s'occuper qu'on faisait rusher notre amie Paule en étant, dès 9 h 30, bien prêts à partir pour la plage... J'ai lu à peu près 12 romans, cela vous en dit long sur mon niveau d'activité durant ces vacances!!! Élianne nous a fait promettre de l'amener l'an prochain, elle veut revoir ces belles dunes dont elle ne se rappelle rien, sauf sans doute une vague sensation de plaisir. Comme elle peut marcher maintenant de bonnes distances, elle pourra sûrement nous y accompagner, mais probablement pas refaire du « boogie board », elle qui passait normalement ses journées à jouer dans les vagues. Maintenant, la plus petite vaguelette la déstabilise totalement.
Renaud a passé une bonne partie de l'été avec nous, un été qu'il a terminé en beauté par un voyage d'un mois au Mexique avec Cynthia. Ils sont partis à l'aventure et ont bien aimé ça. Ils sont revenus en pleine nuit, juste la veille de notre départ à Élianne et moi pour les Îles de la Madeleine, juste à temps finalement pour déguster quelques verres d'une excellente téquila en nous racontant quelques-unes de leurs péripéties. Ils sont maintenant bien installés à Québec, Renaud étudie à l'Université Laval en géographie et Cynthia travaille dans les bibliothèques de la ville. Renaud viendra faire un tour cette semaine, il est en relâche et présentement en randonnée dans les Chic Chocs (chanceux a dit sa sœur).
Élianne, égale en cela à elle-même, aime toujours être dehors, faire des activités de plein air lui manque. Depuis qu'elle est plus autonome avec sa canne, elle sort souvent faire un tour dehors, marche dans l'entrée et sur le terrain. Elle a fait aussi plusieurs marches en forêt avec Gilbert ou Renaud, et elle se débrouille pas mal bien sur différents terrains. D'après son ergothérapeute, elle devrait pouvoir faire de la raquette cet hiver avec des bâtons de randonnée.
Élianne a beaucoup profité de nos vacances aux Îles pour prendre de l'assurance avec sa canne, elle se pratiquait pour son fameux marathon. Le 21 septembre, elle a marché 1 km en 18 min pour la Fondation du Bouclier. Elle était la seule vraie handicapée du groupe à marcher et ce fut toute une journée pour elle. Elle était bien fière et nous aussi. On était une dizaine à l'accompagner et nous avons aussi fait notre « marathon ». Quand on sait d'où elle part, on réalise à quel point c'était tout un exploit. Elle a pris beaucoup de force et d'endurance, au retour des Îles, on a remisé la marchette, elle, elle dit qu'elle l'a mise au recyclage!!! En passant, les vacances aux Îles c'était super, quand on aime la mer on est vraiment choyés là-bas.
Au marathon pour la Fondation du Bouclier : 1 km en 18 minutes
Élianne poursuit sa réadaptation au Bouclier de Saint-Jérôme, elle a maintenant un rythme de thérapies assez soutenu (c'est toute la gang de filles que vous voyez sur la photo). En août, lors du premier plan d'intervention, on a fixé les objectifs pour les trois prochains mois, et tout est en bonne voie de réalisation. Juste vous dire que l’objectif « autonomie avec la canne pour tous ses déplacements intérieurs » a été non seulement atteint en trois semaines, au lieu de trois mois, mais en plus, cela a été amplement dépassé puisqu'elle est généralement aussi autonome pour se déplacer à l'extérieur. Elle a besoin d'aide s'il y a un obstacle (genre chaîne de trottoir), mais même dans ce cas-là elle a commencé à apprendre comment faire. Quand elle est fatiguée, elle est moins sûre d'elle et demande une présence à ses côtés pour marcher, mais c'est rare ou juste par petites périodes. On a même fait une randonnée de près de 2 km l'autre jour dans des sentiers près de Sherbrooke, elle a bien suivi et avait juste un peu mal aux pieds après.
Avec ses thérapeutes du Bouclier, elle travaille beaucoup en physiothérapie pour l'équilibre, elle en a regagné quand même pas mal, c'est à poursuivre. Elle apprend à se faire un déjeuner toute seule, de façon efficace (genre 15 min), elle travaille beaucoup son bras gauche et il y a toujours un peu d'amélioration de ce côté. Elle travaille vraiment fort à identifier différentes choses, à les décrire, les nommer (ustensiles de cuisine, animaux, etc.), ce qui reste tout un défi pendant pour elle. Elle va au Bouclier trois à quatre fois par semaine pour quelques heures, et son éducatrice et son ergothérapeute viennent aussi à la maison. Avec tout cela, plus ses multiples autres rendez-vous (ostéopathe, massage, acupuncteur, entraînement de vélo, Padovan, ergothérapie en privé avec Laurence), elle a un horaire de ministre!!! Elle dort 10 à 12 heures par nuit pour récupérer et retrouver de l'énergie pour le lendemain!!!
Tranquillement, tout s'améliore. Elle reconnaît plus facilement les gens, du moins ceux qu'elle voit régulièrement. Elle apprend à s'orienter un peu plus, donc à observer, car l'orientation spatiale demeure un gros problème pour elle. Elle apprend à compenser sa mémoire défaillante (très défaillante, malgré l’amélioration) en notant tout, en se servant de son agenda. Elle travaille très fort pour maintenir les contacts avec ses amis, ce qui n'est pas évident. Nous sommes allés à Sherbrooke en octobre et y retournons en novembre, c'est vraiment important pour elle et nous nous arrangeons aussi à l'occasion pour qu'elle puisse passer une soirée à Montréal où sont tous ses amis.
Reprogrammer le cerveau
26 octobre 2008 (suite)
Bref, elle persévère, a un bon moral, travaille encore et toujours très fort, avec encore autant de détermination. Elle a bien mérité la plaque remise lors du party de fin de saison du club de vélo : COURAGE ET TÉNACITÉ!!! Parlant de vélo, une autre belle surprise concoctée par Serge : il est venu faire l'entraînement d'Élianne avec Jean Quevillon, médaillé d'or en cyclisme paralympique à Pékin! C'était bien et très encourageant pour nous et pour Élianne de jaser avec lui, de voir d'où il est parti (traumatisme crânien sévère il y a 25 ans) et où il est rendu maintenant. Élianne a toujours comme rêve de remonter un jour sur son vélo, même si pour l'instant elle se contente de pédaler sur sa base, elle n'oublie pas son objectif.
D'ailleurs, l'équilibre étant une chose très importante pour pouvoir justement un jour remonter sur un vélo, elle a fait de grands progrès grâce à une nouvelle thérapie : la méthode Padovan. Je vous en ai déjà parlé, je crois, mais je peux vous dire maintenant, après cinq semaines de thérapie, que c'est vraiment spécial, extraordinaire et incroyable!!! Dès la première séance, nous avons vu une différence dans l'équilibre. Cela s'appelle de la « réorganisation neuro-fonctionnelle » et c'est une série d'exercices qui vise à « reprogrammer » le cerveau. Elle refait des mouvements que font tous les bébés du monde : rouler, ramper, marcher à quatre pattes, sucer une suce, claquer la langue, etc. On va à Blainville, c'est une ergothérapeute qui a une clinique privée et je me considère très chanceuse d'être tombée sur quelqu'un de très compétent, car certaines personnes « s'improvisent » thérapeutes Padovan après avoir suivi seulement quelques cours. Isabelle, elle, est en train de se certifier pour justement certifier d'autres thérapeutes et mettre fin à l'improvisation par n'importe qui. Je vous en reparlerai certainement, mais déjà, sans m'attendre à des miracles, je peux constater les progrès. Cette thérapie est bonne pour tous les problèmes neurologiques et c'est dommage que cela ne soit pas vraiment connu et surtout payé par la SAAQ¹!!!
En parlant de SAAQ, comme Élianne ne peut pas encore rester seule (à cause de sa mémoire), ils continuent de payer le maximum par jour, cela me permettra de rester à la maison avec elle. Je commence aujourd'hui mon congé sans solde, j'ai pris un an et j'ai bien l'intention de le mettre à profit pour poursuivre la réadaptation avec Élianne, croyez-moi, la SAAQ en a pour son argent (et le vôtre...), nous sommes loin de faire du simple « gardiennage ». Je m'occupe plus du côté « intellectuel » et cognitif de la chose et Gilbert, lui, assume, le côté « physique » avec les exercices de Padovan à faire à la maison, les sorties en forêt, etc. Élianne fait presque toutes ces petites activités quotidiennes (on appelle cela des AVQ en langage professionnel) elle-même, elle a juste besoin parfois de certains rappels ou de coaching, mais de moins en moins, elle entre et sort maintenant du bain toute seule à l'aide d'une barre. Les nouvelles rampes à l'extérieur lui permettent aussi de sortir et d'aller marcher sur le terrain sans nous. Elle a même voté aux élections, elle y tenait et a fait quelques lectures sur les candidats avant de se décider, égale à elle-même là aussi, elle a spontanément opté pour le Parti vert, d'autant plus que c'était un de ces anciens profs qui était candidat.
En septembre, nous avons organisé un dîner avec ses thérapeutes de l’Hôpital juif de réadaptation de Laval, elles sont toutes venues, y compris le Dʳ Steverman, (nous avons fait cela à Transacc) et Élianne était bien fière de pouvoir leur montrer comment elle marche. Elle a reconnu tout le monde.
Comme nous ne lâchons pas, nous entreprenons une autre thérapie prochainement : la chambre hyperbare, je vous en reparlerai. Un des prochains objectifs d'Élianne sera de pouvoir rester seule pour une heure, elle travaillera cela avec son ergothérapeute et nous espérons bien que cela mènera éventuellement à une plus grande autonomie pour elle. Je ne vous cache pas que tout cela est très exigeant pour nous à tous les niveaux, mais rassurez-vous, j'ai pris de bonnes résolutions, j'ai recommencé à sortir un peu et à voir mes amies sans la présence d'Élianne, et pour les prochains mois, mon plus grand défi sera de me remettre un peu en forme, n'ayant pratiquement pas bougé depuis maintenant (déjà?) presque 18 mois. Dès que la saison de Gilbert sera terminée, je profiterai de sa présence pour me dégager un peu.
La semaine prochaine, Élianne a rendez-vous à l’Hôpital du Sacré-Cœur pour le suivi en pneumologie, je pense bien que la Dʳ Choinière lui donnera son congé. Nous en profiterons pour aller saluer nos bons médecins.
Finalement, le temps passe assez vite malgré tout. J'ai moins de périodes de découragement, j'ai souvent même pas mal d'espoir quand je la vois aller et travailler si fort. Mon amie Martine (la mère de Marie-Christine, une traumatisée crânienne elle aussi) a consulté une voyante dernièrement. Elle lui a dit qu'il y avait sa fille d'avant, sa fille de maintenant et sa fille d'après. Et... que c'est son amour qui l'a gardée en vie... Je crois sincèrement que cela s'applique à Élianne aussi, et je l'entoure de tout cet amour qui m'a permis de la garder près de nous (eh oui, je m'attribue une bonne part du mérite). Je vous mentirais si je disais que je ne m'ennuie pas de l'ancienne Élianne à l'occasion, mais je peux dealer avec cela et surtout très bien vivre avec la nouvelle. J'ai eu un petit rush la semaine dernière : j'ai lavé les draps qui venaient de sa résidence étudiante à Sherbrooke et juste avant de les mettre dans la laveuse je me suis mis le nez dedans dans l'espoir de « sentir » ma fille, celle d'avant. Malheureusement, cela sentait juste l'humidité du fond de la cave!
Je vous ai mis quelques photos, entre autres celle prise avec Céline Dion lors du spectacle au Centre Bell en août.
Alors, chers et fidèles amis, je vous embrasse tous et vous reviendrai sûrement un jour avec... la suite.
¹ SAAQ: Société de l'assurance automobile du Québec
De plus en plus autonome
2 février 2009
Bonjour, bonjour tout le monde,
Et même si c'est avec un peu de retard : BONNE ANNÉE 2009 à vous tous et toutes, chers fidèles lecteurs et lectrices.
Depuis quelques semaines, je rencontre du monde qui me fait, gentiment, remarquer que cela fait pas mal longtemps que je ne vous ai pas donné de nouvelles de ma poupoune et je m'empresse d'y remédier. Juste pour me déculpabiliser un peu, je peux vous dire que je n'ai JAMAIS été si occupée que maintenant. Pas qu'Élianne demande beaucoup d'aide pour ses petites affaires ou ses soins, mais plutôt parce que c'est toute sa vie et sa réadaptation en général qui me demandent une organisation et une attention de tous les instants afin de maximiser les résultats. Elle, au contraire, est de plus en plus autonome pour tout.
Élianne a cependant encore besoin de la présence de quelqu'un avec elle, sa mémoire et ses problèmes d'interprétation de son environnement font qu'elle ne peut pas, pour l'instant, être seule. Nous travaillons présentement à ce qu'elle puisse le faire, de façon sécuritaire, pour une heure à la fois, c'est un des objectifs du dernier plan d'intervention avec ses thérapeutes. MAIS : malgré l'avis de toute l'équipe de thérapeutes et du neuropsychologue qui a fait une évaluation de sa mémoire, la SAAQ refuse de payer la « surveillance continuelle » depuis le 2 novembre, je dois donc aller en révision de sa décision, comme si je n'avais que cela à faire, et cela peut prendre plusieurs mois avant qu’elle rende une décision. Le gars, dans son bureau de Québec, a décidé!!! D'après l'ergothérapeute, il a une job de bras à faire et elle est d'avis que je fais bien de contester. En attendant, la SAAQ donne un gros 46 $/jour pour l'aide personnelle dont Élianne a besoin (attacher ses cheveux, faire ses repas, etc.) et ce montant diminuera probablement encore à partir de février, car Élianne se débrouille de plus en plus seule pour effectuer sa routine quotidienne.
Élianne a atteint jusqu'ici tous les objectifs fixés dans les plans d'intervention : elle fait son lit, prépare son déjeuner, s'habille, prépare ses choses (genre sacoche), appelle son taxi, etc. elle-même; elle est maintenant autonome pour tous ses déplacements à la maison et pour la majorité de ceux à l'extérieur, marche avec sa canne sans problème, franchit les chaînes de trottoirs et autres obstacles avec juste de la surveillance, monte les escaliers facilement s'il y a une rampe à droite (avec surveillance et/ou aide si non), prend son bain ou sa douche complètement seule, s'occupe de nourrir ses animaux; elle a réappris à faire des boucles, a de plus en plus de vocabulaire. Depuis une semaine, sa physiothérapeute lui a demandé de se déplacer sans canne dans la maison, ce qu'elle fait même si elle a un peu peur. Son score pour l'équilibre est passé de 24/56 à son arrivée au Bouclier à 43 maintenant, ce qui est une bonne évolution et cela devrait progresser encore même si les points manquants pour arriver à 56 seront plus difficiles à avoir, puisque ça implique des choses plus complexes. Elle a besoin de coaching pour accomplir tout cela, surtout en fait de rappel quant aux notions de temps et d'organisation de ses journées. Elle se sert bien de son agenda, apprend à compenser sa mémoire défaillante (par exemple, en se mettant des rappels sur des post-it), tient méticuleusement son journal et son « cahier de contacts » (outil qui lui sert à se rappeler qui elle a vu, à qui elle a parlé, écrit, etc.) et se sert aussi maintenant d'une petite enregistreuse quand elle n'a pas le temps de noter les choses afin de le faire plus tard.
Elle est très occupée aussi, en plus des thérapies au Bouclier : elle y va toujours une fois par semaine pour faire du Padovan (et d'ailleurs, je suis toujours aussi enchantée par les résultats) et elle fait ses exercices quelques fois par la suite. Elle fait des entraînements de vélo quelques fois par semaine aussi, Serge a montré à Gilbert comment l'aider et je peux vous dire que maintenant, en montant sur un petit banc de deux marches, elle monte seule sur son vélo (avec quelqu’un à côté d'elle quand même). D'après certaines lectures que j'ai faites, l'exercice de type aérobique, donc qui fait monter les pulsations cardiaques, est très bénéfique pour la mémoire puisqu'il est prouvé maintenant qu'il amène une meilleure irrigation au cerveau, amenant ainsi des facteurs de croissance et la formation de nouveaux vaisseaux sanguins, et je peux vous dire que ses pulsations augmentent en masse (jusqu'à 170) et qu'elle finit sa séance en sueur, toujours bien contente.
Elle fait aussi de la raquette avec nous, elle adore être dehors et même si elle se trouve ben « poche » de ne pas aller plus vite, elle apprécie cette activité qui la ramène à ce qu'elle est, une fille qui aime le sport et le plein air! Ces jours-ci par contre, elle est un peu « handicapée » par des maux de dos et de cou qui sont assez pénibles, et elle a fait un peu moins d'exercices qu'à l'habitude. Elle voit l'acupuncteur cet après-midi et on espère que cela va l'aider. Comme elle a des sous (compensations pour ses sessions manquées), elle s'est acheté un spa, du moins, en a payé une bonne partie et elle en profite, et nous aussi bien sûr ainsi que Renaud, ses amis, nos amis, etc. Ce sont de bons moments de détente.
Il faut stimuler le cerveau
2 février 2009 (suite)
Côté mémoire, le problème majeur, elle a eu une évaluation par un neuropsychologue. Nous l'avons rencontré la semaine dernière pour qu'il lui fasse part des résultats et comme elle a bien compris, c'est assez « pourri »... mais... avec, comme il dit, un côté positif : Élianne « encode » l'information, donc possibilités d'améliorer sa mémoire, autant rétrospective que prospective par des exercices appropriés. Il dit qu'elle pourra s'y consacrer après la fin de sa réadaptation au Bouclier (probablement quelque part entre mai et octobre 2009) parce que pour l'instant son cerveau est trop occupé à TOUT réapprendre. Il dit que ce que l'on fait est adéquat et suffisant pour l'instant, qu'il est bon de stimuler comme on le fait par toutes sortes de jeux, le cerveau ayant une certaine plasticité, il faut le stimuler pour qu'il s'améliore et développe de nouvelles connexions, mais qu'il y a une limite et qu'il doit aussi y avoir des périodes de repos, exactement comme nous le faisons. Donc, c'est rassurant de savoir qu'on est dans la bonne voie et que l'on fait les bonnes choses!!! Il dit que la mémoire peut s'améliorer sur cinq ans si elle y met suffisamment d'efforts, mais qu'il est peu probable qu'elle puisse reprendre des études ou même exercer un emploi rémunérateur, du moins dans un contexte de « performance », ce qui ne l'empêchera pas non plus de faire plein de choses qu'elle aime et qui lui apportera de grandes satisfactions.
Parlant de mémoire, Élianne a fait, comme je l'ai déjà mentionné, des séances d'hyperbare (40) dans une chambre gentiment prêtée par Annabelle et Philippe. Pendant toute la durée des séances, elle avait effectivement beaucoup plus de mémoire pour se rappeler des choses récentes, ce qui était bien encourageant. Cependant, les effets ont semblé s'estomper dès l'arrêt des traitements et c'était un peu décourageant de la voir revenir à des niveaux de mémoire assez minimes. Sauf que depuis ce temps, j'ai remarqué une légère, mais significative amélioration, et je suis à chercher d'autres traitements pouvant aider, mais un peu moins compliqués et plus accessibles que l'hyperbare. J'ai fait quelques lectures sur passeportsanté.net et autres sites Web sur la méthode de « synchronisation des ondes cérébrales » et j'irai avec Élianne chez l'acupuncteur de Marie-Christine qui a, pour sa propre fille traumatisée crânienne, un appareil « mind machine » qui émet des ondes (alpha, bêta, thêta, selon les résultats désirés) ainsi que des lunettes avec de petites lumières stroboscopiques. Après une longue conversation téléphonique avec Steve, le kinésithérapeute de Marie-Christine, cette méthode utilisée pendant au moins trois mois, à raison de quatre à cinq séances de 30 min par semaine, pourrait avoir des résultats intéressants. Cet appareil ne coûte pas trop cher, il est facile à utiliser et on peut en acheter sur des sites Web américains et l'avoir à la maison. C'est à suivre...
Autre possibilité à suivre : nous rencontrons la semaine prochaine à Québec, un chercheur du CHUL qui fait une recherche en neuromodulation et qui voudrait inclure Élianne dans son protocole. Comme on devait de toute façon aller voir Renaud et Cynthia, nous joindrons l'utile à l'agréable et M. Schneider nous fera visiter son labo, et nous verrons comment il sera possible, pratiquement parlant, d'y inclure Élianne. Ils font cette étude depuis déjà assez longtemps pour savoir de façon certaine que ça apporte des améliorations côté moteur, donc Élianne pourrait améliorer le contrôle de son bras gauche et de son pied droit, et aussi possiblement (c'est à voir) avoir des gains côté mémoire. Selon lui, il est évident que les problèmes d'Élianne (orientation spatiale, interprétation de son environnement, reconnaissance des visages) sont effectivement des séquelles du choc occipito-temporal droit. Leur processus de traitement implique une résonance pour déterminer les zones atteintes et par la suite, de stimuler ces zones par des ondes magnétiques. À court terme, il ne semble pas y avoir d'effets secondaires, je veux juste aussi m'informer des risques à long terme et nous déciderons alors s'il y a lieu ou pas d'aller en ce sens. Je lui parlerai probablement aussi de Marie-Christine, car s'il peut l'inclure, cela nous ferait à Élianne et moi, des voyages à Québec plutôt agréables et plaisants en sa compagnie et celle de Martine, sa mère et mon amie et une nouvelle sœur! On pourrait possiblement commencer en mai, à raison d’une fois par semaine.
Élianne continue d'avoir un bon moral, mais elle a parfois des périodes de grande tristesse. Elle trouve difficile de penser à ce qu'elle perd, au fait qu'elle ne vit pas la même vie que les autres de son âge : sorties, études, chum, liberté, etc., et d'être isolée chez papa-maman. Elle a parfois de grands moments de conscience de sa réalité, je trouve ces moments assez souffrants, mais en même temps je me dis qu'ils sont nécessaires pour amener une certaine guérison. Elle travaille très fort pour maintenir les contacts avec ses amis et même si ce n'est pas pareil, elle arrive à voir du monde de façon régulière. Ce qui sera bon pour son moral prochainement : elle part à Cuba avec sa grande amie Roxane de Sherbrooke, celle-ci a reçu ma longue liste d'instructions (j'exagère un peu) dont celle-ci : « regarder, mais ne pas toucher », en parlant des beaux Cubains!!! Pendant ce temps : repos total pour Gilbert et moi, même Renaud sera persona non grata à la maison!!!
Élianne est toujours aussi drôle et aime toujours autant rire de sa mère (et de son père aussi). Ces temps-ci, je me laisse pousser les cheveux et comme je dois me résoudre à passer par une période où ma tignasse est totalement folle et bizarre, j'ai averti tout le monde que c'était un sujet tabou. Bien sûr, Élianne s'amuse comme une folle en me faisant des blagues à double sens ou en riant juste à me regarder parfois. Elle a toujours un bon sens de la répartie et elle est de plus en plus « baveuse », et j'avoue que cela me plaît pas mal. Il y a encore de la terrible poupoune là-dedans!!!
On ne lâche pas, nous travaillons toujours aussi fort avec Élianne et, malgré des périodes de nostalgie ou de découragement, je demeure positive même si ma patience (légendaire...) est mise à rude épreuve, et j'apprends (un peu) à laisser au temps... le temps justement...
À la prochaine, merci de garder Élianne dans vos pensées.
Un anniversaire émotif
20 mai 2009
BONJOUR TOUT LE MONDE, et bon printemps,
Il y a deux ans, Élianne commençait son long séjour aux soins intensifs, et Sylvain était en route pour Rimouski pour nous ramener Renaud...
C'est bien sûr que « l'anniversaire » du jour qui a changé toute notre vie est un moment assez émotif et j'avoue que cet hiver j'ai trouvé certaines périodes difficiles, le temps qui passe me pèse pas mal par bouts, parfois je ne peux m'empêcher de comparer la vie d'Élie (c'est sa nouvelle façon d'écrire son nom avec le « e », sa nouvelle personnalité!) avec celle des autres, avec sa vie d’avant et de me désoler devant tous ses rêves envolés, et les miens aussi. L'inquiétude pour le futur est parfois assez envahissante. Par contre, je vois tous les progrès qu'elle fait, toute la détermination qu'elle a encore pour atteindre ses buts, je compare avec il y a un an et je vois tout le chemin parcouru et je me dis qu'elle va y arriver. Non pas à redevenir comme avant, c'est vraiment un grand deuil à faire, mais du moins à obtenir son autonomie et à trouver sa place dans la vie, avoir des buts, des activités qui la nourrissent.
La semaine dernière j'ai accompli un véritable pèlerinage : Élianne et moi avons rencontré une partie de l'équipe de médecins à l’Hôpital du Sacré-Cœur, ils l'ont présentée à leur gang de résidents avec qui ils avaient étudié son « cas », le Dʳ Verdant a redit clairement que finalement, elle avait été leur pire TOUTTTTE!!! Je sais qu'ils sont toujours pris dans leur dilemme éthique : « Est-ce que ça vaut la peine? Est-ce qu'on fait bien de continuer? Quelle qualité de vie aura cette personne? », et que la réponse à ces questions n'est pas évidente et que chaque jour leur travail les amène à se les poser. Un étudiant a demandé à Élie si elle était contente qu'ils aient fait tout cela pour elle... elle a dit oui. Après cette visite, suite du pèlerinage, nous avons été dormir chez... les Sœurs de la Providence, histoire de rester à Montréal puisque nous allions à Sherbrooke le lendemain (elle y a fêté ses 20 ans avec Roxou et Alexou pendant que moi je passais deux jours à me reposer au motel), et de revoir sœur Germaine avec qui nous avons pas mal jasé. En tout cas, c'était ce dont j'avais bien besoin à ce moment-là, une place tout près et très tranquille, mais là, franchement, je ne serais plus capable, Élianne a trouvé l'ambiance ben, ben plate!!! Mais elle a bien ri et parlé avec sœur Aline.
Élianne poursuit sa réadaptation à temps plein au Bouclier à Saint-Jérôme, normalement cela se serait terminé le 19 mai puisque la SAAQ considère que deux ans c'est le maximum, mais les thérapeutes ont recommandé une prolongation de trois mois, donc jusqu'en août, et probablement qu'ils vont en demander une autre jusqu'en novembre. C'est bien certain que la fin de la réadaptation « officielle » et active est un moment qui m'inquiète, car Élianne aime aussi être occupée et surtout faire des progrès, et je crains un peu qu'elle se décourage à ce moment-là. Par contre, pour l'instant, son horaire est tellement chargé qu'il y a peu de places pour des activités ou des exercices plus cognitifs ou pour améliorer sa mémoire, et nous verrons à lui faire un horaire de « thérapies-maison ». Finalement, la réadaptation se fera davantage à la maison, à notre façon, car plusieurs mois seront nécessaires aussi pour intégrer dans son quotidien tout ce qu'elle apprend, nous sommes déjà des thérapeutes, nous le serons juste encore davantage... J'ai l'impression qu'après, c'est un peu le grand trou noir, genre « débrouillez-vous avec vos problèmes »!!! Mon principal but est qu'elle puisse devenir assez autonome pour vivre en appartement, je crois qu'elle va y arriver, car pour elle, la Montée Gagnon ce n'est pas l'idéal, elle y est assez isolée et il faudrait qu'elle puisse emménager ailleurs, probablement en ville afin de se rapprocher des gens et des activités. Et pour ceux qui croient que le transport adapté est une solution, vous vous bercez d'illusions, du moins en région, je le sais, j'ai vérifié, elle est éligible, mais ils peuvent la transporter à... Sainte-Agathe et qu'y a-t-il à faire là???
Parlant de thérapies, Élianne a continué tout l'hiver ses séances de Padovan et j'en suis toujours aussi enchantée. Cela l'aide beaucoup, à tous les niveaux. Nous sommes présentement en pause de Padovan, elle fait quand même les exercices à la maison, mais nous n'allons plus voir Isabelle pour un bout, car Élie a commencé le protocole de recherche à l'Université Laval avec Cyril Schneider et son équipe, et cela implique que nous allions à Québec une fois par semaine pendant les mois de juin et juillet. C'est vraiment très intéressant et prometteur.
Il y a deux protocoles, un sur le contrôle moteur, l'autre sur la mémoire et cela consiste en de la stimulation, soit directement au niveau crânien, soit en périphérie (sur les membres supérieurs et inférieurs), à l'aide d'ondes électromagnétiques, soit en continu pour inhiber certains muscles, soit en intermittent pour en stimuler d'autres. Après une seule séance, Élianne a pu contrôler mieux son poignet gauche et sa cheville droite. Ils sont présentement à calibrer leur machine, selon les résultats de la résonance magnétique et des tests neuropsychologiques, pour commencer dès la semaine prochaine le protocole sur la mémoire. Ce protocole est vraiment nouveau, on ne sait pas s'il va donner des résultats, mais on espère que oui. En tout cas, nous avons beaucoup de plaisir à travailler avec cette équipe, ils sont tous très gentils avec les filles (Marie-Christine y participe aussi) et avec nous, les « mômans » et nous profitons de nos passages pour nous promener dans le Vieux-Québec puisque l'auberge de jeunesse (oui, oui, ils acceptent même les vieilles peaux!!!) y est située.
(suite au prochain numéro)
Explorer les sports adaptés
20 mai 2009 (suite)
Hier, Élianne était toute fière puisque Caroline, sa physiothérapeute avec qui elle a beaucoup de plaisir, d'ailleurs elle s'entend bien avec tous ses thérapeutes, lui a dit que maintenant, elle pouvait commencer à marcher sans canne à l'extérieur de la maison, mais avec, au début, une supervision. Naturellement, à nous de juger s'il n'y a pas trop d'obstacles et si la canne est nécessaire, mais c'est un gros plus pour elle. C'est bien certain qu'elle ne peut pas faire une longue distance comme cela, mais c'est une bonne amélioration. Aussi, elle commence à monter et descendre les escaliers en alternant, et non plus en mettant les deux pieds sur chaque marche. Ses derniers tests d'équilibre ont montré aussi une très bonne amélioration et d'après Cyril, à la vue de la résonance magnétique, comme le cervelet n'est pas touché, elle devrait retrouver un assez bon équilibre. D'après lui aussi, quand son cerveau sera moins « occupé » à travailler aussi fort pour que le corps soit en mouvement, il restera davantage d'espace pour le cognitif, car pour l'instant, toute l'énergie est dépensée à se mobiliser.
Par contre, la résonnance magnétique et les tests neuropsychologiques ont bien mis en relation les séquelles cognitives avec le portrait de son cerveau. La principale zone touchée est l'occipital droit, on voit très bien le ventricule droit très dilaté comparé au gauche, finalement, le liquide a pris la place des neurones morts. Ce qui explique les « gnosies visuelles » et les « praxies », donc difficulté à reconnaître certaines choses, à savoir comment « faire », à reconnaître les visages, à percevoir son environnement, à s'orienter dans l'espace, puisque toute la zone où normalement s'impriment les images est morte.
Ce qui influence aussi sa mémoire, car notre mémoire est aussi faite d'images lesquelles ne s’enregistrent pas dans son cas. C'est le temps et certains exercices qui aideront, jusqu'à un certain point, à ce que d'autres zones prennent, en partie, le relais. Disons que les résultats des tests neuropsychologiques démontrent d'assez graves problèmes cognitifs, mais... elle n'a pas dit son dernier mot et il y a encore place pour pas mal d'améliorations. Surtout que tous les rapports sont unanimes à dire qu'elle a un moral et une détermination exceptionnels, et aussi... une mémoire musicale phénoménale!!! Disons que cela compense pour les autres mémoires qui, même si elles s'améliorent, ne sont pas encore suffisantes pour être fonctionnelles et donc Élianne a encore besoin d'une présence continuelle pour sa sécurité et son organisation, ce que j'essaie encore de faire reconnaître par la SAAQ puisqu'elle n’a pas encore statué (je suis encore en révision de sa décision) si elle acceptait ou non de payer pour la « présence continuelle », et ce, malgré l'avis de tous ses thérapeutes.
Élianne est maintenant autonome pour pas mal d'affaires à la maison, elle se débrouille seule pour son bain ou sa douche, pour s'habiller (il lui reste à apprendre à choisir ses vêtements, ce qui n'est pas simple pour elle), elle fait son déjeuner, vient de réapprendre à se faire un sandwich. En fait, dès qu'elle intègre une nouvelle chose, on en rajoute une autre!!! Je l'aide beaucoup pour maintenir ses contacts, elle a un cahier dans lequel elle inscrit à qui elle écrit, elle parle, etc., et cela l'aide pour faire un suivi avec ses amies et elle le fait de plus en plus seule. Elle intègre de plus en plus de trucs pour compenser sa mémoire, se sert bien de son agenda et éventuellement, on verra pour un organisateur électronique avec sonneries de rappel, etc., elle tient toujours religieusement son journal, se sert de sa petite enregistreuse de poche quand elle n'a pas le temps ou la place pour écrire et elle le retranscrit par la suite. Là, elle doit apprendre à gérer un peu son budget puisqu'elle a commencé cette semaine à recevoir son revenu de compensation de la SAAQ. Au moins, côté financier, elle sera correcte, elle reçoit l'équivalent du salaire moyen au Québec puisqu'elle était étudiante au moment de l'accident, et cela lui permettra de vivre et même de mettre des sous de côté pour des projets, des voyages ou autres. De plus, l'an prochain, elle devrait recevoir un bon montant pour les séquelles permanentes, argent dont elle pourra se servir éventuellement pour s'acheter un petit chez elle.
Un des objectifs d'Élianne dans le dernier PI (plan d'intervention) était d'explorer les sports adaptés, elle a bien hâte de pouvoir bouger plus. Nous avons donc assisté au Défi sportif au début de mai, elle a pu voir le hockey-balle pour les traumatisés crâniens et a même discuté avec une fille qui joue dans l'équipe de Sherbrooke, je crois qu'éventuellement cela pourrait l'intéresser. Aussi, elle a essayé et beaucoup aimé l'équitation adaptée dans un ranch à Sainte-Anne-des-Plaines, elle veut en refaire. Elle s'est acheté un vélo adapté, c'est un vélo plus bas auquel ils rajouteront des roues stabilisatrices (un peu comme les petites roues des vélos d'enfants) pour l'instant, et que nous pourrons éventuellement enlever si son équilibre le permet. Attention, je vous mets en garde, Gilbert et Renaud lui ont offert un super clairon pour que tous s'écartent sur son passage dans le parc linéaire!!! Elle a vraiment hâte d'en faire, en attendant, elle continue de s'entraîner sur son vélo sur une base fixe, Serge la fouette de façon régulière et maintenant elle embarque, débarque (en montant sur un petit banc de deux marches) et clippe ses pédales seule.
Tout cela c'est bien beau, mais c'est taxi-maman et taxi-papa qui accompagnent fifille à ses activités, j'avoue que j'aimerais être un peu moins occupée, mais c'est pour la bonne cause! Gilbert s'est tapé pas mal les raccompagnements cet hiver et je viens de reprendre le flambeau, j'accompagne aussi Élianne à ses activités « sociales », elle a participé dernièrement à une activité de sensibilisation à la Polyvalente Deux-Montagnes visant la prévention des accidents de la route auprès des finissants. Élianne faisait partie des quatre jeunes, TCC, témoignant des séquelles sur leur vie et de tout ce qu'implique la réadaptation suite à un accident. Elle aime beaucoup participer à ce genre de rencontres et je pense que ce ne sera pas la dernière. De plus, elle s'exprime de mieux en mieux, ce qui est bien apprécié par les intervenants.
Mon témoignage de parent
20 mai 2009 (suite)
Élianne cherche de plus en plus, et ce n'est pas étonnant de sa part, à être plus autonome et moins dépendante de nous. Elle a passé une semaine à Cuba avec son amie Roxane en mars dernier et nous avons été, Gilbert et moi, dix jours à Barcelone, ce furent des occasions pour elle de se débrouiller sans nous, elle doit apprendre aussi à mieux exprimer et expliquer ses besoins d'aide aux autres. Et pour nous ce furent des vacances bien appréciées puisqu'il faut le dire, nous n'avons jamais autant travaillés ni été aussi occupés, et je n'ai toujours pas repris mon emploi, cela devrait se faire cet automne. Renaud est ici pour une partie de l'été, il travaille avec Gilbert et comme d'habitude, Élianne est bien contente de sa présence, comme elle dit toujours « cela rajeunit la moyenne d'âge de la maison ».
Élianne est vraiment agréable à vivre, elle est de bonne humeur, rit facilement, fait des blagues, a beaucoup de répartie et a l'esprit assez vif pour se moquer de nous. Elle a beaucoup de reconnaissance pour ce que l'on fait pour elle et le manifeste, et cela fait vraiment une différence et nous aide à accepter plus facilement tout ce grand bouleversement dans nos vies. Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve, j'essaie encore et toujours de prendre une journée à la fois et de mettre les pensées sombres de côté, mais je n'ai pas grand contrôle là-dessus non plus. En juin, il y aura comparution de Madame Diotte pour sa libération conditionnelle, j'ai été invitée par la Commission des libérations conditionnelles à assister à l'audience et à partager un témoignage aux commissaires, texte que j'ai dû soumettre cette semaine et dont je vous mets ici des petits bouts :
« Comme tout parent d’enfant handicapé, je vis maintenant avec l’angoisse de « l’après » : qui s’occupera d’Élianne quand je ne serai plus là? Le plus difficile est de devoir faire le deuil de ses rêves à elle et de mes rêves pour elle. Je ne peux m’empêcher souvent de penser à tout ce qu’elle aurait fait et qu’elle ne fera pas, à m’inquiéter pour le futur, à me demander si un jour elle pourra retrouver une certaine autonomie, trouver un amoureux, avoir des activités qui la rendent heureuse. Quand je vois ses amis ou d’autres jeunes de 20 ans, je ressens toujours un pincement au cœur à constater tout le monde de différence entre leur vie et la sienne, surtout la liberté qu’elle n’a plus, elle qui l’avait désiré si fort. Élianne avait cinq ou six ans quand elle m’a dit : « maman, je n’aurai pas assez de toute ma vie pour faire ce que je veux faire », c’était vrai…
Je ne suis pas quelqu’un qui croit que la prison est toujours la solution aux problèmes de délinquance. En fait, je n’étais pas certaine au moment du procès que c’était la meilleure solution. Dans ma grande naïveté, je croyais sincèrement qu’il était encore possible pour Madame Diotte de se désintoxiquer, que cette épreuve pouvait lui servir pour changer et donc ne plus reproduire les comportements qui ont causé l’accident. J’ai déchanté pas mal quand nous avons pu constater le matin du procès que malgré neuf mois de thérapie au Portage, madame avait rechuté. Je travaille dans le milieu de la santé et les thérapies du Portage sont généralement reconnues comme les meilleures au Québec. Alors si même cela ne fonctionne pas, c’est peine perdue.
Pour Élianne, il est trop tard et quoi que vous décidiez, cela ne changera rien pour elle. Je considère maintenant que le plus important est que madame ne puisse plus se retrouver dans une situation où elle peut combiner consommation et conduite automobile. Et il est évident qu’à l’extérieur du pénitencier, ces deux conditions sont facilement réunies, car tout le monde sait que d’avoir ou non un permis de conduire n’est pas un obstacle pour prendre le volant quand une automobile est disponible et il semble que dans l’entourage de madame, personne n’est assez responsable pour l’empêcher de le faire, à preuve, les événements du 19 mai 2007 au soir et les premières pages des journaux qui de façon régulière nous témoignent de récidivistes sans permis, en état d’ébriété, ayant causé un accident.
Il se peut que la vie qu’a vécue madame depuis son enfance soit considérée comme une circonstance atténuante, pour moi, au contraire, elle est une garantie que probablement il est trop tard pour elle, que ses bases ne sont pas suffisamment solides pour permettre une « réadaptation ». D’ailleurs, j’ai encouragé tout mon entourage cette année à contribuer à la Fondation du Dʳ Julien, pédiatre social qui travaille avec les enfants des milieux défavorisés, en espérant que peut-être ces dons serviront à ce que l’un de ces enfants ne deviennent pas un jour un Monsieur ou une Madame Diotte qui un soir de mai, dans 40 ans, enlèvera à une belle jeune fille, ses rêves, ses espoirs, sa vie… »
Je vous remercie chers amis d'être toujours fidèles au poste même si je me fais plus rare et de rester touchés par Élianne et sa vie. Je suis très fière d'elle, elle est vraiment exceptionnelle.
Je vous souhaite à tous et à toutes un bel été, chaud et ensoleillé comme je me le souhaite finalement, car j'ai bien l'intention, entre mes escapades à Québec, de profiter de mon chez-nous.
À la prochaine,
xxx Jocelyne
Trois ans plus tard!
15 mai 2010
BONJOUR, BONJOUR, BONJOUR,
Ça fait déjà plusieurs semaines que je veux vous écrire, vous donner des nouvelles. En fait, j'avais pensé envoyer un message pour vous souhaiter la Bonne Année... je suis donc un peu en retard!!! Comme le temps me manque pas mal, j'ai décidé de faire un journal des points forts et de vous parler de notre année par petits bouts, par petites chroniques, que vous pourrez ainsi aussi lire dans vos vies de fous et de folles à vous.
Samedi 8 mai 2010, 7 heures : Élianne dort encore, Fabiola (5 ans) qui est ici pour le week-end joue sagement (!) au Lego et j'en profite pour vous parler un peu avant de « m'enligner » sur le reste de ma journée. Élie voulait voir un peu sa filleule et je dois dire que je suis pas mal fière de la façon dont elle s'en occupe, beaucoup plus d'initiative, beaucoup plus de présence. Je vois un gros changement depuis la dernière fois, une autre belle évolution donc. Et je la laisse dormir, car cela demande beaucoup d'énergie de s'occuper de notre Fablabla nationale, son surnom vous en dit long sur la place qu'elle occupe dans une maison, on l'adore!
ÉTÉ 2009
Le mois de mai 2009 a marqué le début de la recherche à Québec. Je crois bien vous avoir parlé de cette recherche. Elle est effectuée par le Dʳ Cyril Schneider, neurophysiologue, professeur au département de réadaptation de l'Université Laval. Son protocole de recherche consiste en des stimulations électromagnétiques effectuées au niveau crânien ou en périphérique. Élianne participe à deux protocoles : sur la mémoire et sur le contrôle moteur. Après trois semaines de stimulations, grosses améliorations sur le plan de la mémoire épisodique (court terme), améliorations notables aussi du contrôle moteur du poignet gauche et de la cheville droite. Nous avons poursuivi nos allers-retours à Québec pendant tout l'été, sauf une pause de quelques semaines en août, et par la suite tout l'automne. Malgré la fatigue de la route, ces visites se sont transformées en petites virées entre filles puisque Martine et Marie-Christine (pour ceux qui sont nouveaux dans notre groupe, Marie-Christine, 23 ans, a eu un traumatisme crânien sévère en janvier 2007, elle et Martine, sa mère, sont devenues nos amies) étaient aussi présentes, Marie participant aussi à la recherche. Nous avons découvert Québec, je m'y oriente bien maintenant, on en a profité pour voir Renaud et Cynthia, mon amie Lucie, flâner dans le Vieux-Québec, etc. Finalement, joindre l’utile à l'agréable!!! De plus, même les séances au CHUL sont joyeuses, une belle équipe, Cyril est très sympathique et drôle, il est super avec les filles, il a une grosse influence sur elles et les jeunes qui travaillent avec lui (étudiants de maîtrise ou de doctorat en ergothérapie, physiothérapie et psychothérapie) sont tous très gentils et j'ai beaucoup appris sur le fonctionnement du cerveau.
Pour plus d'infos, voir l’article du Globe and Mail : « Chasing the elusive memories of Elianne Parent » par Anne McIlroy dans l'édition du 24 mars 2010. Elle a écrit cet article après une longue entrevue téléphonique avec Élianne et moi, suite à une présentation faite par Cyril à un congrès de neurosciences à Toronto.
14 h : un autre petit bout avant d'aller me ré-enfermer dans mon bureau, première paie des employés cette semaine, donc, pas mal de paperasse en perspective.
Juin 2009, un nouveau venu dans notre famille : Christophe, fils de Yves et Charlotte, et filleul de Renaud qui en est bien fier.
L'été 2009 a marqué aussi la fin de la canne. Sur les conseils de Cyril, Élianne l'a peu à peu délaissée et même si elle n'a pas retrouvé tout son équilibre, elle se débrouille très bien sans elle. On pensait qu'elle s'en resservirait l'hiver venu, ce ne fut pas le cas. Elle a parfois besoin d'un peu d'aide pour franchir certains obstacles. Sur terrains très accidentés, comme en forêt ou dans une grotte pendant nos vacances en République Dominicaine, elle ressort la canne, mais c'est très rare. De plus, elle prend maintenant sa douche debout au lieu d'assise sur son banc ce qui facilite beaucoup sa vie.
Grosse nouveauté : Élianne s'est procuré son vélo adapté et elle a adoré ses promenades sur le parc linéaire. Elle aime toujours autant être dehors et ce parc linéaire, qu'elle trouvait si plate avant (que voulez-vous, s'il n'y avait pas de côtes, de roches, de boues, ce n'était pas assez pour elle) est devenu son terrain de jeu préféré. Elle en a fait plusieurs fois, accompagnée bien sûr, soit par Gilbert, Serge, Ti-Gui, Vivi, et elle a pas mal d'endurance encore. Elle piaffe d'ailleurs d'impatience de s'y remettre. Et nous pensons pouvoir relever un peu les petites roues cette année.
Élianne et Renaud nous ont accompagnés dans notre périple annuel à Cape Cod, ce fut une belle occasion de se retrouver ensemble en camping, ainsi qu'avec nos amis et voisins de terrains. Pour Élianne, toutes ces sensations (vagues, costume de plongée, planche de surf) ont ramené quelques souvenirs fugaces à sa conscience, elle s'est d'ailleurs souvenue là-bas d'un incident survenu en 2006 pendant qu'on y était : le sable qui était très chaud et sur lequel elle s'était brûlée les pieds et que Nico l'avait porté sur son dos. Pour une fille sans souvenirs de son passé, c'est quelque chose de pas mal extraordinaire. Bien sûr elle ne pouvait pas courir pour se lancer dans les vagues, mais son sourire quand Renaud l'a promenée sur la planche de surf en disait long sur les sensations retrouvées. Je dois dire aussi que l'on a bien ri d'elle parce qu'elle retrouvait difficilement le chemin de notre terrain à la toilette (elle a failli aller pisser dans la tente de la voisine, une madame pas très sympa en plus) ou quand elle était perdue même dans sa tente, distinguant difficilement la porte de la fenêtre. Elle nous a tous bien impressionnés de pouvoir marcher aussi longtemps dans le sable mou de la plage, de pouvoir monter et descendre les dunes abruptes, et elle a redécouvert là-bas les joies du ping-pong de plage que nous devons maintenant pratiquer dans notre cour, elle ne bouge pas beaucoup ses jambes, mais est très habile avec la partie supérieure de son corps.
Malgré un été plus ou moins beau et chaud, Élianne a beaucoup pratiqué ses mouvements de nage dans la piscine et bien qu'elle soit toujours incapable de nager sur l'eau, elle s'est améliorée pas mal. Elle ne réussit pas à coordonner assez ses mouvements (bras-jambes) pour se maintenir à la surface, mais elle nage facilement en dessous de l'eau et peut encore profiter des joies de l'apnée, ce dont elle ne s'est pas privée en mars en République Dominicaine.
Un moment difficile pour moi en juin 2009 : la comparution de Sandra Diotte devant la Commission des libérations conditionnelles. J'avais été invitée à y présenter un texte dont je vous avais d'ailleurs mis un extrait dans mon courriel de mai 2009. Tout s'est bien passé, mais le plus impressionnant, ce fut à la prison de Joliette. Il y a eu quelques moments émouvants, tout cela faisait remonter des émotions que j'aurais aimé ne pas avoir à revivre, merci d'ailleurs à mes amis Francine, Chantal, Yves et Cécile qui étaient présents avec moi et qui m’ont donné du soutien. La libération conditionnelle a été acceptée, mais avec une condition de projet communautaire pour six mois et maintenant je suppose qu'elle est dans son six mois de libération conditionnelle ordinaire avant d'être définitivement libérée. Moment particulier : elle s'est tournée vers moi et m'a regardé en disant combien elle était désolée, ce qu'elle n'avait jamais été capable de faire au procès, me regarder! Paraîtrait-il qu'elle a beaucoup (!) cheminé et cessé toute consommation, je demeure sceptique et pourrai le croire seulement dans quelques années si cela se maintient.
Juillet 2009 : un bon spectacle, une belle rencontre, Melody Gardot, jeune chanteuse américaine, victime aussi d'un traumatisme crânien suite à un accident de vélo il y a quelques années. Elle a serré Élie très fort dans ses bras et lui a dit de ne pas lâcher, je vous mets la photo de cette rencontre même si Élianne fait dur!!!
Avec Melody Gardot - juillet 2009
On ne peut sortir le vélo de la fille
Dimanche 9 mai, 6 h : Je me souhaite une bonne fête des Mères, vous serez d'accord que je le mérite (!) et même si vous lirez ceci plus tard je vous la souhaite bonne à vous aussi, toutes celles pour qui vos enfants prennent une si grande place dans vos vies et dans vos cœurs de mamans. Tout est blanc dehors ce matin, quel contraste avec dimanche dernier où je me suis « saucée » dans la piscine (à 14 °C) après le spa et suis restée dehors à siroter un petit rosé!!! Brunch prévu ce midi chez ma sœur Francine, on retournera Fabi à ses parents. Mot d'enfant : « Ben non Gilbert, tu peux pas écouter un film, tu vas t'endormir DEVANT le salon », par Fabi à Gilbert hier soir!!! Autre petite finesse qui nous montre toute la subtilité de cette enfant : « Tu sais Jojo, Élianne et moi ON NE T'A PAS FAIT de carte pour la fête des Mères »!!!
AUTOMNE 2009
Nous avons bien profité de cet automne si doux pour prolonger la baignade et Élianne a repris ses thérapies en externe au Bouclier de Saint-Jérôme, thérapies que nous avions interrompues pour juillet-août, histoire de faire une petite pause dans un horaire très chargé. Les thérapeutes ont trouvé qu'Élie avait fait beaucoup de progrès durant cette pause.
En septembre nous avons eu la chance de vivre une belle expérience, nous avons enregistré une émission avec Josélito Michaud, « On prend toujours un train pour la vie ». J'avais été approchée durant l'été par Yannick, la recherchiste (qui est depuis devenue mon amie, une belle rencontre), et nous avons accepté. Ce fut vraiment très agréable, toute l'équipe était très attentionnée, très respectueuse. Nous avons été reçues à Sherbrooke, souper (Élianne en a profité pour aller manger avec son amie Roxou), nuit à l'hôtel, séance de « ponponnage » le matin, trajet de train, dîner à bord, etc. Je vous avertis tout de suite, ceux qui me connaissent bien vont probablement me trouver fort tranquille, mais c'était très volontaire, Élianne et moi, on s'était dit que l'on devait faire attention à ne pas se couper la parole et à ne pas « s'obstiner », donc, vous verrez bien le résultat. De toute façon, je n'ai aucune idée de ce qu'ils auront gardé ou pas au montage, ce sera une surprise pour nous aussi. Un des caméramans a dit à Élie que ses yeux ressortaient tellement bien à l'écran qu'elle serait inondée d’appels téléphoniques de jeunes hommes!!! L'émission est programmée pour le dimanche 15 août, ce sera à vérifier.
En septembre aussi, Élianne a « participé » à deux petites courses de vélo!!! Mettons que c'était un peu arrangé avec le gars des vues. En effet, Serge lui avait fait un petit circuit pour un contre-la-montre contre... elle-même. Ce fut un très beau moment quand elle roulait et que tout le monde l'encourageait. Quelques larmes dans tous ces visages émus, tous ceux qui savent d'où elle est partie... Élianne a bien aimé malgré une chute qui a plongé tout le monde (moi y compris) dans quelques moments d'angoisse, surtout après avoir vu que le casque était cassé!
En octobre, nous avons souligné les 10 ans du Club de vélo avec tout le groupe et rendu hommage à Serge. Élie a tenu à lui faire graver une plaque « Le meilleur coach au monde », petit rappel d'une blague entre eux quand elle était à l’Hôpital général juif. Il l'a bien mérité, il lui donne tellement d’encouragement. Elle a encore fait pleurer quelques personnes en récitant un petit texte que nous avons écrit ensemble, un texte pour dire qu'elle ne lâchera pas!!!
Sur ma route, un soir de mai.
Je t’ai rencontré, toi, la femme qui boit.
J’ai perdu ma tête, j’ai perdu mon amour… et ma vie.
Comme le roseau, je plie et je me couche au sol.
Mais je me relève, la tête haute.
Et je défie tous les oiseaux de malheur qui me disent :
« Tu es une TCC, tu es condamnée! »
Je marche et je marcherai.
Je roule et je roulerai.
Je retrouverai ma vie et ma liberté.
Et un jour, mes pas me conduiront de nouveau sur le chemin des écoliers.
Par Élianne et Jocelyne Parent – octobre 2009
Pendant l'automne, j'ai aussi eu à faire quelques démarches moins intéressantes. En prévision du fait qu'Élianne recevra cette année un bon montant de la SAAQ en « compensation » des séquelles, on devait demander à quelqu'un de faire une évaluation pour une éventuelle tutelle ou curatelle, c'est maintenant une exigence de la SAAQ, car certaines personnes se sont fait littéralement dépouiller par leur famille. Finalement, tout s'est déroulé comme je le désirais, nous avons eu un conseil de famille (famille élargie) avec Élianne et la notaire. Le conseil de tutelle et la tutrice (moi) ont été nommés. Nous avons fait nos recommandations pour le juge et je suis bien contente qu'il ait approuvé nos choix. Je désirais que tout cela soit le moins contraignant pour Élianne et lui laisse le pouvoir de décider tout en la protégeant. Comme la travailleuse sociale avait aussi fait une évaluation en ce sens, Élianne se retrouve avec une tutelle (et non une curatelle qui ne laisse aucun pouvoir) modulée qui lui laisse la possibilité de faire certaines choses seules et d'autres avec l'aide de sa tutrice.
Lundi 10 mai, 6 h : On a eu un bon brunch, Sylvain en visite de Rivière-du-Loup, avait apporté quelques pattes de crabe et Marianne, 13 ans, fille de Chantal, a fait pleurer ses tantes en nous interprétant une chanson qui nous rappelait notre maman partie depuis maintenant cinq ans. Elle chante très bien Marianne, elle vient même de gagner un concours, c'est à suivre!!! Et vous vous doutez sûrement que finalement, Élianne et Fabiola AVAIENT fait une carte pour moi!
L'automne 2009 s'est terminé avec un grand changement dans ma vie, j'ai repris le travail après deux ans et demi d'interruption! Le « timing » était bon puisque je suis arrivée en pleine vaccination contre le virus H1N1, ce qui m'a permis de me réhabituer tranquillement à un horaire sans avoir à me casser la tête avec des notions oubliées ou du moins bien loin dans ma mémoire. Un vaccin c'est facile à faire et tu fais la même chose toute la journée. En tout cas, je peux vous dire qu'Élianne a été une des premières vaccinées sur notre territoire, même avant... Claude Dubois! Et je n'avais même pas repris le travail à ce moment là! Dès que j'ai vu que l'une des complications du H1N1 était le syndrome de détresse respiratoire aiguë, que cette complication pouvait justement survenir chez des jeunes en santé avec un système immunitaire qui se défend trop fort, j'ai revécu certains moments difficiles des premières semaines d'Élianne à l’Hôpital du Sacré Cœur puisqu'elle avait fait ce syndrome. Elle y avait survécu, difficilement, une première fois, mais je craignais cela par-dessus tout et n'avais de toute façon pas le goût de prendre ce risque. Ne vous en faites pas, elle n'a pas eu de passe-droit puisqu'elle faisait partie des personnes à risques. D'ailleurs, petite réflexion, j'ai été sidérée de voir le comportement de certains dans les débuts de la vaccination : à Saint-Sauveur il y a beaucoup de personnes âgées, retraitées, qui étaient prêtes à marcher sur la tête des femmes enceintes et des bébés pour avoir leur vaccin à temps pour partir... en Floride, une gang de vieux égoïstes!!! Certaines situations font vraiment ressortir ce qu'il y a de pire chez les gens.
Mercredi 12 mai, 6 h : Nous avons assisté à la Coupe Merrell au Far Hills hier soir, Élianne trouve que ça a l'air ben, ben l'fun les courses de vélo; « difficile, mais c'est ça qui est le fun, quand c'est dur »!!! Comme quoi on peut sortir la fille du vélo, mais pas le vélo de la fille!
Pas question qu'elle se berce en écoutant la télé
HIVER 2009-2010
Petit hiver tranquille, fin des thérapies au Bouclier en décembre, Élianne a reçu son « diplôme » bien mérité. Elle a profité de l'hiver pour faire pas mal de raquette (nous aussi) et a même fait quelques essais en ski de fond, qu'elle devrait reprendre l'hiver prochain. Disons que pour l'instant sa cheville droite manque de stabilité et qu'elle risque de se blesser, mais avec une orthèse cela devrait aider. Comme les thérapies à Québec ont été interrompues tout l'hiver pour cause de locaux inadéquats, Élianne a repris la thérapie Padovan avec Isabelle à Blainville et on peut en constater les effets positifs à tous les niveaux. Je me rappelle encore que lors de la première séance, en septembre 2008, Isabelle faisait faire un exercice à Élianne en lui disant que l’objectif qu’elle voulait atteindre un jour c'était à la marche en position de « l'ours ». Et bien, elle y est : c'est comme marcher à quatre pattes, mais avec les jambes droites en arrière et les orteils bien ancrés au sol, tout un défi, moi je ne suis pas capable!!!
Gilbert étant moins occupé, il en a profité pour faire plusieurs sorties « scientifiques » avec Élianne : Musée de la Nature à Ottawa, Biodôme, Insectarium, Jardin botanique. Élianne peine toujours à reconnaître et à identifier les différents animaux, mais elle aime beaucoup ce genre de sorties. Comme elle y prend bien son temps pour tout lire, le fauteuil roulant fait son office et est très pratique dans ces situations ou pour les longues distances.
Plusieurs activités aussi avec le CAPTCHPL (Centre d’aide personnes traumatisées crâniennes et handicapées physiques Laurentides - l'association locale pour les traumatisés crâniens), mais Élianne est limitée pour ce genre de sorties puisqu'elle est sans véritable moyen de transport sauf un gentil bénévole, monsieur Émile. C'est une des raisons pour lesquelles elle désire aller s'établir à Montréal l'an prochain, se rapprocher des services et de ses amis qu'elle voit encore à l'occasion. À ce sujet, nous avons fait une demande auprès du Centre de réadaptation Lucie Bruneau et Élianne a été accepté sur leur liste d'attente pour une ressource d'hébergement. Nous aurions souhaité, elle aussi, un genre d'appartement supervisé, mais il n'y en a pas vraiment sauf pour des personnes qui ont besoin « d'heures-soins », par exemple un quadriplégique qui a besoin d'être aidé pour se laver, s'habiller, etc. Pour l'instant, ce qui sera possible, ce sera une maison avec 6 à 9 chambres, occupées chacune par des adultes (de 18 à 65 ans) ayant tous une déficience physique quelconque (traumatisme crânien, paralysie cérébrale, tétraplégie, sclérose en plaques, dystrophie, etc.) et avec des espaces communs et la présence de responsables en tout temps. Les intervenantes de L. Bruneau semblent avoir bien compris quel genre de personne est Élianne et chercheront une ressource où les gens sont actifs. Comme nous avons bien spécifié, nous ne sommes pas prêts (elle non plus) à ce qu'elle s'installe dans la chronicité et fasse du macramé et autres activités « occupationnelles » toute la journée en se berçant et en écoutant la télé!!! Ce sera une première étape, une première introduction à la grande ville avant un éventuel saut vers plus d'autonomie, ce dont je ne doute plus.
Petite visite à l’Hôpital du Sacré‑Cœur pour un suivi en ophtalmologie, son champ visuel est revenu à 100 %, comme quoi il faut laisser le temps faire son œuvre. Nous en avons bien sûr profité pour voir nos bons médecins. Quand Élianne a demandé au Dr Colin Verdant si elle le connaissait, il lui a répondu avec beaucoup d'humour : « Ben oui Élianne, on se connaît très, très, bien. Nous avons passé plusieurs nuits ensemble!!! », elle l'a trouvé ben drôle.
Aussi, nous avons profité de l'hiver pour qu'Élianne commence à prendre quelques petites leçons avec Pénélope (16 ans, fille d'un ami). Elles se voient une à deux fois par semaine et font du français, des maths du primaire, des exercices de clavier, des jeux cognitifs (genre happyneuron), etc. Pénélope donne des devoirs à Élie, ce qu'elle aime beaucoup, encore une fois, on reconnaît bien notre fille, elle aime travailler.
Jeudi 13 mai, 11 h : Élianne participe ce matin à une activité d'expression corporelle à Saint-Jérôme, elle s'entend très bien avec sa partenaire, une jeune fille atteinte de paralysie cérébrale et qui est en fauteuil roulant. Elles doivent, sans parler, suivre les mouvements de chacune et il paraît qu'elles s'accordent très bien, qu'elles ont une belle complicité et elles préparent un « spectacle ». Et moi, je procrastine en attendant d'aller faire un peu de bureau!
PRINTEMPS 2010
Nous avons bien débuté notre printemps par de belles vacances en République Dominicaine, genre de « pèlerinage » puisque nous étions près de Las Terrenas (péninsule de Samana) où notre fiston fut conçu!!! Le coin a bien changé, c'est toujours très beau, mais appelé à changer encore plus puisque de nouvelles routes sont en construction. Élianne nous a accompagnés et elle nous a suivis dans les excursions, entre autres la visite des grottes où s'étaient réfugiés les Indiens Taïnos pour se sauver des envahisseurs espagnols. Nous avons profité de ces vacances pour prendre des forces avant un été qui s'annonce chargé à tous les niveaux. Comme j'étais seule sur la plage tous les matins dès 6 h 15, j'ai profité de ces moments de solitude pour me plonger dans un ouvrage que je vous recommande fortement si le sujet vous intéresse : Les étonnants pouvoirs de transformation du cerveau, guérir grâce à la neuroplasticité par Norman Doidge, éd. Belfond ou Presses Pocket pour le format poche. L'auteur y parle de plusieurs recherches qui touchent différents aspects des problèmes neurologiques, des AVC aux troubles d'apprentissage et qui ont donné de bons résultats même parfois après de longues années suite à des lésions. Une vraie source d'espoir, la confirmation que depuis le début mes intuitions étaient bonnes.
Deux belles rencontres faites durant ces vacances : Christine, mère d'Alexandrine, jeune TCC de 25 ans (septembre 2008), et qui doit composer elle aussi avec une nouvelle réalité. Elles ont d'ailleurs séjourné pendant deux semaines à la clinique du Dr Taub en Alabama, celui-ci utilise une thérapie différente pour aider les gens à retrouver l'usage de leurs membres et il en était question justement dans le livre du Dr Doidge, et il paraît que cela l'a beaucoup aidée à retrouver un certain contrôle moteur. Une nouvelle amie, une autre « mère courage » pour notre club à Martine et moi!!! La dernière journée sur la plage, Gilbert et Élianne sont revenus de dîner en compagnie d'une dame... elle s'appelle Andrée et dès qu'elle s'est présentée j'ai su QUI elle était. Quand Élie était aux soins intensifs, les médecins se posaient naturellement bien des questions dans le genre « Est-ce qu'on fait bien de tout faire pour la sauver sans savoir quelle sera sa qualité de vie par la suite, quelles seront les séquelles, combien ce sera difficile pour elle et sa famille, etc., etc.??? » Le Dr Verdant m'avait justement donné en exemple une infirmière dont le conjoint avait eu un TCC quelques années auparavant, elle les avait suppliés de le sauver malgré les graves complications, et elle le regrettait à présent puisque les séquelles et sa nouvelle personnalité étaient très difficiles à vivre pour toute sa famille. Et bien, vous l'aurez deviné... C'ÉTAIT ELLE! Tout un hasard! Nous avons bien discuté et nous en sommes arrivées à la conclusion que sa réponse et la mienne aux questions des bons médecins étaient bien différentes l'une de l'autre. Elle a dû se résigner, après 5 ans, à « placer » son conjoint, il est maintenant à la Maison Martin Matte. Elle nous a dit avoir observé Élianne toute la semaine, sachant très bien QUI elle était puisqu'elle l'avait vue à l’Hôpital du Sacré‑Cœur même si elle travaille dans un autre département, et elle lui a dit qu'elle était très bonne, très courageuse et qu'il ne fallait pas qu'elle lâche. Elle nous a aussi conseillé de nous inscrire à l'AQTC de Laval/Montréal en prévision du futur déménagement d'Élianne et parce qu'il y a plus d'activités et plus de jeunes qui y participent.
La vie... à quel prix?
Samedi 15 mai, 5 h 30 : Élianne a un nouveau petit chat, il s'est caché sous le congélateur, j'espère être capable de le faire sortir!!! Une petite chatte toute mignonne, on lui cherche encore un nom. Elle a le poil long, gris et blanc, si c'était un petit gars on l'appellerait « Bandit », on cherche des suggestions!
Élianne continue son chemin, chaque jour, chaque activité est pour elle des occasions d'apprendre, elle est toujours en mode travail, en mode « réadaptation ». Nous sommes à perfectionner les outils qui l'aident, elle s'est procuré un iPhone, s'en sert comme agenda, y écrit son journal, ses contacts, etc. J'en suis encore à en apprendre les différentes fonctions pour les lui montrer, mais nous progressons. Et cela, combiné avec mon nouveau portable, devrait lui fournir suffisamment de moyens pour compenser sa mémoire déficiente et lui permettre de mieux s'organiser. Nous continuons toujours à perfectionner et à améliorer ce qui doit l'être. Je lui dis souvent à la blague : « On a manqué notre coup la première fois, donc... on recommence! »
Depuis que Gilbert a recommencé sa saison, Élianne reste seule les jours où je travaille et finalement, malgré notre inquiétude du début, cela se passe très bien. Nous demandons parfois à nos voisins de venir faire un tour, mais ce n'est pas vraiment nécessaire et Élie est bien occupée. Elle a quelques consignes à respecter pour assurer sa sécurité et nous sommes bien sûr joignables en cas de besoin. Il faut dire que généralement Élianne sait quoi faire si une certaine situation surgit, le seul problème c'est que sa réponse ou sa solution risquent de n'être pas assez rapides pour une situation d'urgence. Mais bon, je me contrôle aussi en me disant que cela n'arrive pas tous les jours.
Elle développe aussi son côté artistique, elle a fait quelques aquarelles cet hiver avec l'aide de Gilbert pour s'installer. Elle a parfois de grands élans « d'écriture », elle a commencé la rédaction d'une pièce de théâtre, a écrit un petit poème sur l'eau en vacances. Elle aime beaucoup lire même si, comme elle dit, elle ne se souvient plus trop par la suite de ce qu'elle vient de lire.
La grande artiste et ses œuvres
Nous reprenons le chemin de Québec dans deux semaines, Cyril a réussi à obtenir de nouveaux locaux et il nous y attend. Élianne doit participer à un nouveau protocole sur les fonctions exécutives avec une spécialiste en ce domaine, donc pour augmenter sa capacité à s'organiser, à planifier une tâche, etc. Cyril dit à ses étudiants que la réadaptation se termine le jour où la personne décide que c'est fini, pas avant, et c'est une des raisons pourquoi on l'aime autant, il n'est pas axé sur des pronostics pessimistes, mais plutôt sur les possibilités. Je vais lui demander que dans une prochaine étape il travaille sur tout ce qui est « gnosies », c'est-à-dire la difficulté à reconnaître et à se remémorer les images. Cela nuit beaucoup à Élianne dans sa vie de n'avoir aucune mémoire visuelle, et donc aucun sens de l'orientation. Elle ne peut pas se déplacer seule, car elle se perd partout!
Suite à la publication de l'article dans le Globe and Mail, Cyril a été inondé de demandes pour différents reportages. Pour l'instant, il est question de tourner un reportage pour le « Code Chastenay » à Télé-Québec et un topo pour le Téléjournal de Radio-Canada ainsi qu'à l'automne, une émission de « Une pilule, une petite granule ». Vous y apercevrez peut-être Élianne, je vous tiendrai au courant.
Cette fois-ci, nous ne pourrons pas profiter de nos visites à Québec pour voir fiston puisqu'il part pour plusieurs mois. Lui et Cynthia ont cumulé deux jobs chacun afin d'engranger des dollars pour leur grand projet de voyage. Ils partent le 9 juin pour l'Ouest canadien, première étape où ils iront faire la cueillette des fruits, puis direction l'Amérique du Sud à partir d'août jusqu'à quelque part en février-mars 2011. Ils nous manqueront, mais c'est un très beau projet, ils sont jeunes, c'est le temps d'en profiter et je dois dire que je trouve qu'ils sont bien organisés, je suis bien fière de mon grand gars et je l'avoue, un peu inquiète, mais... je me contrôle.
Moi, je me suis réhabituée tranquillement à mon travail. Au début j'étais littéralement morte le soir, j'avais l'impression de ne plus me souvenir de rien, mais maintenant ça va, j'ai repris la route pour visiter les nouvelles mamans et leurs bébés et je dois dire que c'est devenu une sorte de ressourcement de faire autre chose, de ne plus être juste centrée sur Élianne et sa réadaptation.
C'est l'anniversaire d'Élianne lundi (le 17), elle aura 21 ans. Il y a quelques semaines j'ai réalisé qu'à l'approche de cette date j'étais incapable de me réjouir, ce jour étant maintenant trop associé à l'accident et je n'avais vraiment pas le goût de penser à organiser quelque chose. Virginie, l'amie d'Élianne, m'a aidé à changer un peu mon point de vue, elle m'a dit de voir plutôt cela comme l'anniversaire de la SURVIE d'Élianne et c'est ce que j'essaie de faire. Donc, afin de ne pas déprimer chez moi, je nous ai organisé quelques jours en ville : Élianne fêtera le 17 au soir avec Vivi et son chum Thomas et nous resterons à Montréal quelques jours, histoire qu'elle s'inscrive à l'AQTC de Laval, de dîner à l’Hôpital général juif avec Josée, travailleuse sociale, de souper avec des amis, de faire des courses, etc. Et mercredi, le 19, il y a toute une journée d'activités à l'AQTC de Montréal puisque c'est la semaine des traumatisés crâniens (je dis à Élianne qu'elle a bien choisi son moment pour son accident). M. Guy Latraverse est parrain de l'événement (sa fille Rose, 20 ans, a eu un TCC en novembre 2007), il y fera un petit discours lors de la conférence de presse à 11 h, Élianne y participera aussi en récitant son petit texte, exactement trois ans plus tard...
Dernièrement, j'ai questionné Élianne sur ce qu'elle aurait aimé que l'on fasse si elle était demeurée végétative, elle m'a dit que pour elle la vie c'était d'avoir des buts, qu'elle n'avait certes plus les mêmes buts qu'avant, mais qu'elle en a quand même et elle sait qu'elle pourra aider les autres. Donc, que sa vie vaut la peine d'être vécue. Mais aussi que oui, si elle n'avait pu avoir de buts, il aurait fallu la laisser partir... ou même, l'aider à le faire... Je sais aussi que mon « ancienne » fille n'aurait pas aimé ce qu'elle est devenue, mais je crois qu'elle n'a plus voix au chapitre... Dans un échange courriel avec le Dʳ Bernard il y a environ un mois (nous sommes restés en contact, il apprécie avoir des nouvelles d'Élianne et de la… suite), je lui disais que certes ma vie serait aujourd'hui beaucoup plus simple sans ma fille, mais... à quel prix???
Parfois je regarde en arrière, tout ce chemin parcouru depuis mai 2007. Je peux voir ce chemin et en mesurer la longueur. Je ne peux pas voir celui qui est encore devant nous. Je sais juste qu'il est long, que le sommet de la montagne n'est pas atteint, et qu'il y aura encore des plateaux, des moments de pause qui nous permettront de reprendre notre souffle et... de continuer. Élianne est très, très bonne, courageuse, persévérante, tenace.
Je vous remercie tous et toutes d'être encore dans nos vies, de nous aider de près ou de loin par vos pensées, votre compréhension, je vous reviens... l'an prochain? Prenez bien soin de vous et de tous ceux que vous aimez.
xxx Jocelyne
19 mai 2007 - 19 mai 2012 / 5 ans plus tard
Hier, 18 mai, j’ai eu un « flash », j’ai réalisé que c’était ce soir-là que j’ai vu, pour la dernière fois, Élianne, ma fille qui venait d’avoir 18 ans. Elle était passée à la maison, était assise sur les genoux de Nico, son chum depuis près de deux ans, elle portait des jeans et un chandail long brun. Cette image est très claire dans ma tête, je la trouvais si belle, je me réjouissais du fait que sept jours plus tard elle serait de retour à la maison pour l’été, je me réjouissais de la retrouver après une année scolaire passée loin de nous.
Vous connaissez la suite…
En ce jour « anniversaire » de l’accident d’Élianne, je tenais à vous écrire, vous, nos ANGES comme dirait mon amie Martine, qui nous avez soutenus depuis le début ou en cours de route, vous qui étiez déjà nos amis ou l’êtes devenus depuis, vous qui êtes peut-être de simples connaissances et mêmes des connaissances d’amis, mais dont les pensées nous ont accompagnés tout au long de ce parcours, vous, tous les thérapeutes impliqués à un degré ou à un autre en cours de route. Vous êtes nombreux et je vous dis tout de suite MERCI. Je suis et je demeurerai toujours persuadée que toute cette « énergie » partagée a contribué à maintenir Élianne (et nous) en vie.
Votre soutien nous a permis d’affronter ce qui nous attendait, et il continue de nous porter dans notre quotidien.
Jeudi 17 mai, anniversaire d’Élianne, nous sommes allées rencontrer une partie de son équipe de médecins des soins intensifs de l’Hôpital du Sacré-Cœur. Nous en avons profité pour faire un petit tour sur les étages, saluer ceux et celles qui sont chers à nos cœurs. Nous n’y retournerons plus, c’était la fin d’une histoire, ce sera le début d’une autre.
Dans le regard de nos bons médecins, je sens, davantage chez certains, un doute, une interrogation toujours présente… « Est-ce que nous avons fait la bonne chose? Est-ce que nous avons sauvé une vie qui ne vaut pas la peine d’être vécue? Est-ce que nous avons fait les bons choix? Quel est le prix à payer pour elle, pour sa famille? Quelle qualité de vie a-t-elle? »
Je n’ai pas LA réponse à leurs questions, j’ai juste MA réponse : JE N’AI AUCUN REGRET ET… POUR ELLE, ET POUR NOUS, VOUS AVEZ FAIT LA BONNE CHOSE…
Et la réponse d’Élianne : « MA VIE MÉRITE D’ÊTRE VÉCUE PUISQUE MÊME SI JE N’AI PLUS LES MÊMES BUTS QU’AVANT, J’EN AI DE NOUVEAUX ET POUR MOI, LA VIE C’EST D’AVOIR DES BUTS ».
Pour d’autres, la réponse serait différente pour toutes sortes de raisons.
J’ai envie de dire certaines choses à nos médecins et aussi à ceux et celles dans le milieu médical, de la recherche ou de la réadaptation qui se questionnent sur la pertinence des soins intensifs et avancés pour les traumatisés crâniens.
Voici quelques questions et réponses :
Est-ce qu'elle pourra retourner aux études : NON (Sauf éventuellement quelques petits cours.)
Est-ce qu'elle pourra occuper un emploi rémunéré : probablement que NON (Par contre, elle pourra faire du bénévolat dans des domaines qui l'intéressent.)
Est-ce que l'ancienne Élianne aurait aimé ce qu'elle est devenue : NON (Par contre, elle n'a plus voix au chapitre et la nouvelle Élianne apprécie sa vie.)
Est-ce qu'Élianne aurait pu aller aussi loin sans le soutien constant depuis cinq ans de sa famille et de notre réseau : NON
Est-ce que notre vie serait plus simple si elle était décédée : OUI
Est-ce que maintenant nous regrettons : NON (Malgré que oui, effectivement, nous sommes fatigués.)
Est-ce que nous sommes inquiets pour son futur : OUI
Est-ce qu’elle garde des séquelles importantes : OUI
Est-ce que je crois qu'elle pourra un jour être totalement autonome : NON (Par contre, avec un minimum d'aide et d'organisation elle pourra se débrouiller.)
Est-ce qu'elle peut être heureuse : OUI
Est-ce que nous regretterions notre décision de lui donner la chance de nous montrer ce qu'elle peut faire si elle était restée dans un état neuro-végétatif : OUI (Par contre, j'étais fortement décidée à lui donner la « jambette » nécessaire pour trébucher si cela avait été le cas, je dois dire que c'est ce qui m'a permis de continuer et je pense que l'on devrait avoir le choix de pouvoir revenir en arrière si la survie mène à une vie « inacceptable ».)
Est-ce qu’elle et nous avons dû faire des deuils : OUI
Est-ce qu’elle et nous aurons d’autres deuils à faire : OUI
(Je précise ici que contrairement à ce que certains pourraient croire, nous avons toujours fait nos deuils, mais seulement au moment approprié et non pas d’avance, sans savoir si vraiment il y avait un deuil à faire, et je dois préciser aussi que nous n’avons pas eu à en faire certains qui semblaient pourtant inévitables, par exemple, pour Élianne, de marcher.)
Je sais que pour les équipes médicales, il est extrêmement difficile de prendre des décisions. Les médecins en voient beaucoup, ils voient des histoires qui finissent bien, d’autres mal et tout un éventail entre les deux. Ils ne peuvent pas savoir d’avance et je crois que c’est ce qui les rend si ambivalents. Ils craignent que les décisions qu’ils prennent aient de grandes répercussions sur le futur de leurs patients et de leurs familles. De plus, ils n’ont aucune idée, ou si peu, de comment se passe le « après », sur les services offerts, sur les possibilités, sur les différentes thérapies de réadaptation, autant traditionnelles qu’alternatives. Je n’ai pas de solutions toutes faites pour eux. Pour Élianne, il n’y a rien à regretter. (Sauf que ce soit arrivé…)
Huaca Arco de Iris - Pérou, janvier 2011
Huaca de la Luna - Pérou, janvier 2011
Parc national du Mont-Tremblant, été 2011
Déjeuner en famille, juillet 2011
Élianne et Martin Matte (humoriste, acteur, auteur, scénariste et producteur), mai 2011
Le mot de la fin
20 mai 2012
J’ai ressorti tous les courriels que j’ai écrits pour donner des nouvelles, tout ce que je vous ai écrit, je vais le relire, ce que je n’ai jamais fait depuis. J’ai décidé de lire mes textes au fur et à mesure, les jours mêmes où ils ont été écrits.
Le 20 mai 2007, j’écrivais, dans la nuit, juste après la visite des policiers :
« Il est 2 h. Nous partons pour l'Hôpital du Sacré-Cœur, Élianne est dans le coma, accident d’auto en face du Bourbon à Sainte-Adèle, on n'en sait pas plus. Pensez à nous ».
J’ai trois grosses boîtes de notes, de courriels envoyés et reçus, de coupures de journaux, de parties de dossiers médicaux ou de plans d’intervention et de réadaptation, rapports divers. Tant qu’à les sortir, je vais classer le tout et mettre cela derrière moi. Je fais un genre de pèlerinage dans ce passé, non pas pour l’enterrer, mais bien pour passer à autre chose.
6 juin 2012
Élianne est partie faire…. du RAFTING!!!!!!!
(avec le groupe de l’AQTC et son frère qui est chargé de la récupérer si elle tombe à l’eau…!!!)
Comme vous pouvez le constater, pas mal de temps entre le 20 mai et aujourd’hui, que voulez-vous, je suis toujours aussi occupée.
Hier soir j’ai participé à un souper organisé pour les proches par l’AQTC (Association québécoise des traumatisés crâniens) et cela m’a permis de réaliser encore plus combien vous m’avez été précieux et précieuses. Beaucoup de proches sont seuls, n’ont personne avec qui parler, échanger, pleurer, rire. MERCI encore!
Je vais terminer ce « long » courriel par des nouvelles d’Élianne, beaucoup de choses depuis deux ans.
Élianne continue sa thérapie Padovan, toujours de l’évolution, des progrès. La recherche à Québec est en pause, sera reprise éventuellement, là aussi, on reste ouvert aux possibilités. Elle voit aussi une dame chaque semaine pour continuer d’apprendre des choses (par exemple à faire son lavage), jaser et faire des jeux cognitifs. Elle continue d’apprendre. Elle continue de travailler fort.
Elle participe à beaucoup d’activités avec l’AQTC, maman/papa font le taxi naturellement puisque c’est souvent à Montréal ou à Laval. Depuis cet hiver elle s’entraîne en gym à Sainte-Adèle et le fera de façon plus sérieuse à partir de cette semaine puisqu’après neuf mois (!) de discussions avec la SAAQ, ils ont finalement accepté de payer un entraîneur pour l’accompagner. Elle suit aussi des cours de paranatation à Blainville.
Elle a fini ses traitements d’orthodontie, arbore maintenant un grand sourire sans broches, a également eu une chirurgie au laser pour ses yeux, adieux lunettes et lentilles, ce qui facilitera sa vie.
Elle continue d’évoluer, tant sur le plan cognitif que physique, tranquillement par bouts, de façon plus soutenue à d’autres moments. Elle a abandonné la canne et essaie même parfois de « courir ». Elle apprend de plus en plus à s’organiser. Depuis un an elle a retrouvé la dimension « émotive » de sa personnalité, c'est-à-dire l’accès à ses émotions. Elle n’avait pas pleuré depuis quatre ans et maintenant elle est de nouveau capable d’être touchée par les événements, les gens, une belle chanson, etc. Sa principale séquelle cognitive est sur le plan de « l’enregistrement des images », donc aucune mémoire visuelle, donc difficulté d’orientation, de reconnaissance des visages, et naturellement cela joue sur sa mémoire à court terme puisqu’une partie de nos souvenirs (par exemple la soirée d’hier) tient au fait que nous conservons des images d’un événement et elle non.
Elle a les mêmes valeurs, les mêmes goûts qu’avant malgré son absence toujours presque totale de souvenirs de sa vie antérieure.
Elle a eu l’honneur d’être nommée ambassadrice des Coups de cœur Jeunesse et a représenté les Laurentides à l’Assemblée nationale. Elle fait aussi des présentations, soit à des étudiants en réadaptation ou en soins infirmiers, soit à des jeunes en réinsertion dans des carrefours jeunesse-emploi. Elle est une source d’inspiration pour plusieurs. Depuis l’été dernier, elle fait du bénévolat une journée par semaine au centre de location du lac Monroe dans le parc du Mont-Tremblant, elle reprendra cet été cette activité qu’elle apprécie beaucoup.
Elle voit un peu ses amies, a gardé de bons contacts avec certaines, elle est cependant limitée par l’éloignement. Depuis juillet 2011 elle a un amoureux, Christian, lui aussi TCC en 2007, ils ont une belle relation.
Elle dit elle-même que c’est une bonne année pour elle, elle envisage l’avenir avec un certain optimiste même si maintenant elle a davantage de craintes ou de moments d’anxiété au sujet du futur. Nous avons le projet qu’elle puisse aller vivre à Montréal dans un avenir assez rapproché, en attendant, elle ira probablement dès cet automne y passer deux jours par semaine, petite intégration partielle à la grande ville qui lui permettra de participer aux ateliers d’impro de l’AQTC.
Bien sûr, je ne peux m’empêcher de penser que « normalement » elle aurait terminé cette année son bac en biologie marine… sauf que… notre cher premier ministre Stephen Harper venant de faire de grosses coupes dans la recherche dans ce domaine (il ne faudrait surtout pas connaître les effets des hydrocarbures sur la faune et la flore marine), elle aurait été… chômeuse… à un salaire de 70 % de… et aurait travaillé de nuit dans un Tim Horton en voyageant l’hiver, sur des routes verglacées pour se rendre à 100 km de chez elle!!!!!!!!!! (pardonnez-moi ce petit défoulement).
En terminant, je tiens à saluer particulièrement toutes mes « mères-courage » (les conjoints et pères aussi, mais je les connais moins) : Martine, Denyse, Monique, Christine, Isabel, Julie, France. Vous qui chaque jour, par votre engagement, aidez votre enfant à dépasser les limites d’un TCC.
5 ans… et… le besoin de boucler une boucle.
5 ans… et… un nouveau cycle qui commence.
5 ans… et… nous continuons…
À… une prochaine?
À… je ne sais pas quand…
xoxo Jocelyne
Premier jogging d'Élianne – Promenade Champlain, octobre 2011
En raquette, janvier 2012
Élianne et Fabiola, avril 2012